«C'est grâce au peuple ‘‘ech chaâb'' que nous sommes encore debout.» «Absence de l'Etat». Ce constat est revenu comme un leitmotiv dans les zones sinistrées. Eu égard à la défaillance des pouvoirs locaux, la colère populaire s'est plutôt reportée sur les représentants de l'autorité centrale. «C'est grâce au peuple «ech chaâb» que nous sommes encore debout», ne cesse-t-on de répéter partout où nous sommes passés. En un mot, la population sans peut-être le traduire en termes plus modernes est reconnaissante à la société. Et pourtant, l'élan de solidarité qui s'est exprimé au niveau national à l'égard des sinistrés ne s'est pas cristallisé dans le cadre qu'on aurait pu imaginer à savoir les associations caritatives dont la mission est de venir en aide et ce, à n'importe quel moment aux personnes en difficulté. Les associations sont en fait ce cadre dans lequel la société entend s'organiser en vue d'un but non lucratif au su et au vu de l'Etat. C'est pourquoi la loi n° 90-31 du 4 décembre 1990 relative aux associations vient en régir les termes. Et à considérer le mode de fonctionnement de l'association tel que prévu par ladite loi, on peut avancer sans risque de nous tromper qu'une association digne de ce nom doit fonctionner sur le modèle d'une entreprise ! Autrement dit, quel que soit le but qu'elle poursuit, l'association doit être capable de mobiliser des fonds, se fixer des objectifs à moyen et long termes et «peut avoir des revenus liés à son activité», comme le stipule l'article 24 de la loi. Justement, à Thénia, localité durement éprouvée par le tremblement de terre du 21 mai, on ne trouve pas comme on pouvait s'y attendre ces associations aux premières loges du travail humanitaire. Ce sont la plupart du temps des bénévoles venus des quatre coins du pays. Ces derniers n'hésitent pas à faire le déplacement jusqu'aux régions touchées par le sinistre à bord de leur véhicule personnel. Comme ce propriétaire d'une laiterie venu d'Oran qui a chargé sa voiture de lait en poudre. Il est venu au campement des sinistrés et a livré son chargement. «Dès l'annonce de la catastrophe, je me suis dirigé vers les zones sinistrées dans l'intention de contribuer un tant soit peu à soulager les peines endurées par nos frères, je suis passé par Boumerdès où j'ai pu livrer la moitié du chargement. Je ne pense pas qu'on puisse avoir la conscience tranquille quand on ne fait rien alors qu'on a la capacité d'aider», nous dit-il. Cet autre bénévole est un avocat qui exerce à Tizi Ouzou. Il est le chauffeur de la camionnette chargée de pain et d'eau minérale. «Nous ne sommes pas une association, dans le sens où on l'entend généralement», précise-t-il. «Nous sommes un groupe de personnes qui, devant la gravité de la situation, ont décidé de mobiliser les moyens que nous avons en vue d' acheminer des vivres vers les zones où se trouvent les personnes nécessiteuses. Un commerçant a mis à notre disposition cette Mazda puis nous avons collecté des dons à Draâ Ben Khedda». Il est arrivé ce matin au quatrième jour après le séisme, sans savoir à qui s'adresser. Ce sont les sinistrés eux-mêmes qui l'ont «renseigné». Le bienfaiteur est aussitôt dirigé vers un quartier de la ville dont les habitants crevaient de faim. «C'est l'anarchie totale, la distribution ne fonctionne pas comme il se doit, il y a des zones bien desservies et d'autres complètement ignorées», explique-t-on. En effet des tonnes de bouteilles d'eau minérale d'Ifri, don de la société du même nom,s trônent dans le campement de Thénia alors que dans d'autres endroits il y a pénurie du liquide précieux. On l'aura compris si l'absence de l'Etat est patente, tout aussi l'est l'absence des associations dont l'action n'a pu recouper l'ensemble de la chaîne de solidarité dont elles sont censées pourtant refléter le dynamisme ainsi que d'en organiser le mouvement.