Les pertes humaines et les dégâts matériels qu'a causés le séisme survenu mercredi dernier au centre d'Alger ne sont rien d'autre que le résultat de tout un système défaillant dans le domaine de la construction. Comme d'ailleurs toute l'administration algérienne. Les scientifiques disent que «les tremblements de terre ne tuent pas. Ce sont les constructions réalisées par l'être humain qui tuent» (l'exemple de Japon est plus significatif). J'ai écouté un ingénieur du CTC (Contrôle Technique de Constructions) lors d'une interview réalisée par TF1, il disait que «Boumerdès devrait être classée zone sismique III (zone à forte sismicité). Si les structures n'ont pas pu résister, c'est parce qu'elles ont été calculées pour résister dans la zone sismique II (zone à moyenne sismicité)». C'est de l'irresponsabilité. Moi personnellement, je pense que ce n'est pas un problème de zonage ou de micro-zonage qui a fait s'écrouler les structures. On a vu même des R+4 qui ne nécessitent souvent que les sections minimales de ferraillage exigées par la réglementation parasismique algérienne (RPA) pour rester debout lors d'un séisme. Hélas, depuis plusieurs années, les intervenants dans la construction ce sont les escrocs, les corrupteurs et les corrompus. Les constructions privées qui représentent environ 70% ne sont pas soumises aux règles parasismiques ni d'ailleurs aux contrôles techniques. C'est très grave. Depuis des dizaines d'années les ingénieurs civils n'ont pas le pouvoir d'intervenir ni dans les études techniques ni dans le suivi des chantiers. Ce sont les architectes qui n'ont aucune notion en calcul de structures qui font tout le travail. C'est de l'inconscience. Contrairement à M.Mohamed Farsi, expert en génie parasismique qui a intervenu samedi 24 mai 2003 au journal Le Matin et qui disait: «Il n'y a aucun suivi sur les chantiers», moi je dirai qu'il y a quand même le suivi réalisé par les architectes. Je ne reproche pas un manque de compétences aux architectes dans leur domaine, mais ils doivent limiter leur intervention à la conception architecturale. A noter que la plupart de mes amis intimes sont des architectes, et dans la construction ils ont toujours été mes antagonistes. Les entrepreneurs n'ont rien à voir avec la construction, ils ne pensent qu'aux enveloppes financières et comment procéder pour gagner plus d'argent. Je pense que la liste des leçons et des expériences est très longue...Je lance un appel aux pouvoirs publics pour en tirer les leçons. Le séisme de mercredi dernier amplifie l'activité sismique, les structures qui ont résisté sont forcement fragilisées, endommagées...Les risques futurs sont désormais énormes. J'interpelle les ingénieurs civils de saisir l'occasion pour tirer la sonnette d'alarme pour la énième fois. Il faut se mobiliser pour agir efficacement et faire pression sur les autorités dans le but de rétablir l'ingénieur dans ses fonctions. Il est seul habilité à faire une étude technique et à contrôler le béton armé. La création d'un ordre des ingénieurs civils est incontournable si on veut éviter les erreurs du passé et s'organiser pour arrêter l'anarchie dans l'habitat et faire barrage à la mafia du béton ! Certes ce n'est pas facile à réaliser vu que ceux qui ont goûté à la chair de perdrix, n'en sont jamais rassasiés. La création de l'ordre des ingénieurs n'arrange ni les architectes ni d'ailleurs la plupart des ingénieurs du CTC. Il faut mener des actions concrètes et courageuses pour atteindre les objectifs voulus. On n'a qu'à regarder les géomètres comment ils ont arraché leur autonomie dans le domaine qui les concerne.