Après avoir repoussé, sinon rejeté toute initiative directe, le président américain a fini par prendre son bâton de pèlerin. Après avoir longtemps rejeté l'idée d'une médiation personnelle dans le conflit du Proche-Orient, laissant Israéliens et Palestiniens parvenir seuls à un consensus, le président américain, George W.Bush, a dû se rendre à cette évidence: le parrainage direct est plus que nécessaire, il est vital pour espérer dépasser l'impasse ou l'intransigeance israélienne a fourvoyé le dossier palestinien. Donc, emboîtant le pas à son prédécesseur, Bill Clinton, qui a lamentablement échoué dans sa mission, George W.Bush s'essaye à son tour dans le difficile jeu d'équilibre entre Israéliens et Arabes, préserver des relations privilégiées avec l'Etat hébreu, sans trop froisser les susceptibilités des Arabes, qui reprochent en particulier aux Américains leurs deux poids deux mesures en faveur d'Israël. Venant directement d'Evian (en France) où il a assisté à l'ouverture du sommet du G8, le président américain, George W.Bush, s'est réuni hier avec des dirigeants arabes, dit «modérés», et a passé avec eux en revue l'épineux dossier proche-oriental de même que la mise en oeuvre de la «feuille de route». Le président américain avait en face de lui le président égyptien, Hosni Moubarak, hôte du sommet, les rois Abdallah II de Jordanie, Hamad Ben Issa Al-Khalifa de Bahreïn, le prince héritier saoudien, Abdallah Ben Abdelaziz et le Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas. Ce sommet d'où, notons-le, sont exclus trois des principaux acteurs du contentieux proche-oriental - les présidents syrien, Bachar Al Assad, libanais, Emile Lahoud, et palestinien, Yasser Arafat - se veut d'examiner les moyens les plus appropriés de faire appliquer les différentes étapes de la «feuille de route» dont l'aboutissement final est la création de l'Etat palestinien. Reconnaissant la difficulté de la chose, lorsqu'il souligne: «Je sais que cela va être un processus difficile, je comprends que nous devons travailler avec nos alliés (...) pour parvenir au succès», le président Bush n'en estime pas moins qu'il s'attend à des progrès, déclarant: «Je crois que nous allons faire des progrès. Je sais que nous allons faire des progrès.» M.Bush a-t-il eu des assurances des Israéliens pour être aussi affirmatif? Toujours est-il qu'à Charm El Cheikh, le président américain a insisté à nouveau, hier, sur l'existence d'un Etat palestinien, affirmant: «Je suis le genre d'hommes qui fait ce qu'il dit et ce que je dis est que le monde a besoin d'avoir un Etat palestinien libre et pacifique.» Soit! Reste à convenir que la paix entre les deux belligérants israélien et palestinien suppose des concessions réciproques de la part des deux parties pour ouvrir à la «feuille de route» une mise en oeuvre effective. Les Israéliens sont-ils prêts à y consentir? De fait, le Premier ministre israélien a créé un vrai précédent, vendredi dernier, en reconnaissant que «3,5 millions de Palestiniens se trouvent sous un régime d'occupation», suscitant un tollé chez les extrémistes et un certain embarras dans la classe politique israélienne. Le même Sharon, selon son conseiller, Réuven Rivlin, «s'est fait à l'idée que pour donner une continuité à un Etat palestinien, il faudra évacuer un certain nombre de colonies». Nombre qui serait de 17 colonies, selon les indications de la presse israélienne, une goutte d'eau dans les 140 implantations (chiffre officiel israélien) qui parsèment les territoires palestiniens occupés. Reste qu'au moment où Sharon donne l'impression de multiplier les gestes de bonne volonté, le ministère israélien de l'Habitat lançait un important appel d'offre pour la construction en Cisjordanie de 12.000 logements, montrant surtout que Tel-Aviv, loin de renoncer à son occupation, veut conforter la présence israélienne dans les territoires palestiniens occupés. A Charm El Cheikh, hier, c'est encore aux Arabes que le président Bush demandait d'autres concessions envers Israël, notamment par la normalisation de leurs relations avec l'Etat hébreu. Ce qui souleva une certaine réticence de la part des dirigeants arabes présents en Egypte qui attendent à tout le moins, de la part d'Israël, la reconnaissance claire d'un Etat palestinien. Il va s'en dire un Etat dans les limites des territoires occupés en 1967. Car, il est évident que les Palestiniens n'accepteront ni un Etat croupion ni renonceront à une souveraineté totale dans un Etat fiable. Aussi, tous les regards se portent-ils maintenant vers la prestation du président Bush, qui rencontre les Premiers ministres israélien, Ariel Sharon, et palestinien, Mahmoud Abbas, aujourd'hui à Aqaba en Jordanie. Toutefois l'on peut se demander aussi, compte tenu de la traditionnelle politique pro-israélienne de Washington, et malgré les déclarations de M.Bush sur l'Etat palestinien, qu'elle sera la marge de manoeuvre du président américain, tant devant le chef du gouvernement israélien que face au lobby pro-israélien aux Etats-Unis, obstacle de fait et frein puissant à tout progrès vers la paix entre Palestiniens et Israéliens. Que dira Bush aux Palestiniens dont les droits risquent de n'être pas entièrement pris en compte? De fait, les Américains doivent aujourd'hui faire la preuve de leur impartialité et montrer qu'ils travaillent effectivement dans l'objectif d'instaurer la paix entre Israël et les Palestiniens, et singulièrement qu'ils ont les capacités d'imposer à Israël ce qu'ils exigent des Arabes et des Palestiniens.