Palestiniens et Israéliens sont au pied du mur. Le processus de paix relancé ? Le sommet d'Aqaba qui a réuni, mercredi dernier, autour du président américain, George W.Bush, les Premiers ministres israélien, Ariel Sharon, et palestinien, Mahmoud Abbas, a, semble-t-il, ouvert la voie à une nouvelle dynamique de paix. Dynamique qui reste cependant, d'une part, à tester sur le terrain, et d'autre part, menacée par les groupes radicaux israéliens et palestiniens. George W.Bush en réitérant sa détermination à trouver une solution définitive au dossier proche-oriental et, singulièrement, en réaffirmant, le droit des Palestiniens à un Etat indépendant «viable» donne l'impression de vouloir, une fois pour toute (?), dépasser la position traditionnelle américaine de laisser à Israël toute latitude de manoeuvrer, à sa convenance, un dossier pourtant explosif. En 1998, le président Bill Clinton en visite dans les territoires occupés (une première) fit sensation en affirmant le droit des Palestiniens d'avoir «une terre où vivre», mais s'était, toutefois, gardé de prononcer le mot tant attendu d'un «Etat» pour les Palestiniens. Cette avancée sémantique américaine indique-t-elle une réelle prise en charge d'un dossier dont la solution ne pouvait, en tout état de cause, faire l'économie du droit des Palestiniens d'ériger leur Etat indépendant? Il faut le croire, à tout le moins l'espérer. Demeure cependant l'inconnue israélienne, dans la mesure où, contrairement à Mahmoud Abbas - qui s'est engagé à désarmer les mouvements et groupes armés palestiniens - Ariel Sharon n'a rien présenté d'aussi conséquent, promettant seulement le démantèlement de colonies «sauvages», sans indiquer en revanche quelle sera la position de son gouvernement lorsqu'il s'agira de remettre en cause les implantations juives en Cisjordanie et à Gaza - qui accueillent présentement quelque 200.000 personnes - qui demeurent l'obstacle insurmontable à la création de l'Etat palestinien. De nombreux points d'ombre subsistent dans la position israélienne quant à la création de l'Etat palestinien et le redéploiement de l'armée israélienne hors des territoires palestiniens occupés le 5 juin 1967, il y a maintenant 36 ans. Ce sont ces non-dits israéliens qui laissent sceptiques sur la suite de la mise en application de la feuille de route. Il faut également relever que les Israéliens, de même que les Américains en fait, privilégient davantage le volet sécuritaire que les préoccupations des Palestiniens de disposer d'un territoire pouvant accueillir un Etat fiable et viable. Certes, le président Bush a réaffirmé à Aqaba que «la Terre sainte doit être partagée», entre Israéliens et Palestiniens, mais il a également dit que les Etats-Unis étaient «pleinement engagés à garantir la sécurité d'Israël en tant qu'Etat juif». Ce qui prête à confusion, d'autant plus qu'en Israël plus de 20% de la population est arabe. Sa langue a-t-elle fourché, lorsqu'il souscrit ainsi à un Etat fondé sur la religion, et encourage aussi l'intolérance des extrémistes et fondamentalistes israéliens? Une autre langue semble avoir fourché, celle d'Abou Mazen lorsqu'il est allé analyser la résistance palestinienne sous le même angle politique que le font les Israéliens, celle qui fait de la résistance une affaire de terrorisme. C'est en tout état de cause le point de son discours qui a retenu l'attention de la presse israélienne, qui rapporte en grandes manchettes les déclarations du Premier ministre palestinien, qui quelque part confortent les positions d'Israël sur le «terrorisme». Mahmoud Abbas s'est donc engagé à désarmer les groupes armés sans assurer ses arrières. Ainsi l'un des dirigeants de Hamas, Abdelaziz Al-Rantissi, a affirmé dans une première réaction qu'«Abou Mazen ne nous représente pas, et nous refuserons de le rencontrer car cela ne sert à rien». Nuançant hier ses propos, le Hamas n'en reste pas moins ferme indiquant: «nous refusons toute rencontre avec Abou Mazen (Mahmoud Abbas) jusqu'à ce qu'il abandonne tous les engagements pris au sommet d'Aqaba.» Il est pour le moins difficile de voir Mahmoud Abbas revenir sur ses engagements et il appartiendra sans doute aux mouvements de composer avec la nouvelle donne régionale. Le FPLP, n'a pas non plus apprécié les décisions prises au sommet d'Aqaba, en confirmant qu'il continuera à lutter jusqu'à la fin de l'agression israélienne. soulignant: «Nous allons poursuivre la résistance armée jusqu'à ce que l'occupation et l'agression contre le peuple palestinien prennent fin.» Ce qui augure des jours difficiles pour Mahmoud Abbas. Celui-ci devrait, en principe, rencontrer dans les 48 heures des représentants des mouvements palestiniens pour expliquer les décisions d'Aqaba. La position de Sharon n'est pas non plus assurée face aux extrémistes religieux et les colons, selon lesquels le chef du gouvernement israélien a, «franchi la ligne rouge» en promettant le démantèlement des colonies de peuplement dites «sauvages». Cependant, d'aucuns en Israël estiment que, selon son habitude, Sharon «ment à Bush et à Abbas». Une manière de gagner du temps. Demeure cependant le fait qu'en 1979 - après les accords de Camp David entre Israël et l'Egypte - c'est Sharon, alors ministre de la Défense, qui a fait appliquer ces accords, faisant évacuer et détruire les colonies de peuplement juives implantées au Sinaï. Mais comme le relève le président palestinien Yasser Arafat, «jusqu'ici, Sharon n'a pris aucune mesure concrète sur le terrain». Mais, un Arafat «caduc» plus que jamais isolé et coincé dans son réduit de Ramallah.