La tentative de liquidation d'un chef du Hamas pose en réalité la question de la volonté des Israéliens de travailler pour la paix. Moins de quatre jours après le sommet tripartite d'Aqaba entre le président américain, George W.Bush et les Premiers ministres israélien, Ariel Sharon, et palestinien, Mahmoud Abbas - qui lançait officiellement la «feuille de route» devant aboutir à la création de l'Etat palestinien d'ici à 2005 - Sharon a décidé de mettre à l'épreuve le processus de paix engagé par les Américains et la communauté internationale en donnant le feu vert à une opération de liquidation d'un chef de Hamas, Abdelaziz Al-Rantissi. En tentant d'assassiner le chef politique du mouvement islamiste palestinien Hamas, Israël a, en fait, réanimé la violence qui tendait, ces dernières semaines, à s'affaiblir. Tel-Aviv, maître du jeu de la paix au Proche-Orient, se donne ainsi tous les droits, singulièrement, celui d'infléchir la paix à ses seules conditions. Ainsi, après le raid de l'armée israélienne contre la voiture d'Al-Rantissi, un porte-parole du gouvernement israélien, Avi Pazner, a-t-il affirmé que lors du sommet tripartite du 4 juin, le Premier ministre Sharon n'a «pris aucun engagement de cesser les opérations de liquidation ciblées», confirmant, en fait, le peu de cas qu'Israël fait de ses engagement internationaux. On ne peut prétendre négocier la paix tout en continuant à l'entraver par des opérations que le droit et la légalité internationaux réprouvent. En fait, tout en donnant l'impression de vouloir travailler à l'instauration de la paix, les dirigeants israéliens s'estiment parallèlement libres de continuer à «liquider» tout Palestinien pouvant gêner leur politique d'hégémonie sur la région. Après avoir isolé le président Arafat, le gouvernement israélien s'est, en réalité, engagé dans une politique de la terre brûlée en prétendant dialoguer avec les seuls Palestiniens qu'il désigne, ou ceux qui obtempèrent à son diktat. 55 ans de conflit ne semblent pas avoir enseigné aux Israéliens que la paix se négocie et se construit avec ceux qui se battent. Le porte-parole israélien, Avi Pazner, a, à cet effet, affirmé qu'Israël, «n'a aucune intention de changer la politique qui vise à frapper les chefs terroristes (...)». Pourtant, la force et les représailles, comme l'ont montré les violences de ces dernières décennies, n'a rien solutionné, bien au contraire, elle aura surtout consolidé la détermination des Palestiniens à se battre jusqu'au bout. Par-dessus tout, les opérations musclées israéliennes contre la résistance palestinienne n'ont contribué ni à apporter la paix pour le Proche-Orient, encore moins à sécuriser l'Etat hébreu. A contrario, la politique aventureuse de Sharon aura été catastrophique pour les juifs qui n'ont jamais compté autant de morts dans leurs rangs. L'Occident, qui condamna unanimement les attaques suicides des kamikazes palestiniens, s'est, en revanche, gardé, tout en se montrant «troublé», de condamner avec la même fermeté les opérations israéliennes de liquidation physique des chefs politiques et militaires palestiniens. Il faut bien noter que l'attaque de Jérusalem-Ouest, fait suite à la tentative d'assassinat d'Al-Rantissi, que peu de commentateurs se sont donné la peine de relever, focalisant, en revanche, sur le «terrorisme» de Hamas. Ainsi en est-il de la conseillère présidentielle américaine, Condoleezza Rice, qui déclare: «Nous avons vu cette semaine des scènes d'effusion de sang et de violence perpétrées par ceux qui usent de la terreur pour détruire l'espoir de la majorité (qui veut la paix)» estimant que les «terroristes ne vaincront pas». Certes, reste toutefois le fait que la terreur est bien le fait d'abord des autorités israéliennes et de l'armée israélienne d'occupation, les unes donnant le feu vert politique, la seconde multipliant les raids héliportés contre la population palestinienne, comme ceux ayant suivi l'attaque kamikaze contre un bus à Jérusalem-Ouest, et qui occasionnèrent des dizaines de morts et de blessés parmi les civils palestiniens. Mme Rice affirme que M.Bush «reste déterminé à suivre la voie tracée à Aqaba parce que c'est la seule qui puisse conduire à une paix et une sécurité durable». La seule? Sans doute pas, car si effectivement le président américain est réellement déterminé à mettre fin aux affrontements israélo-palestiniens, et donner sa chance à la feuille de route de se réaliser, sa position lui permet d'ordonner la mise en place d'une force d'interposition entre les deux belligérants, seul moyen, en vérité, de stopper enfin l'escalade de la violence et l'effusion de sang. Mais, Israël s'est toujours opposé à l'instauration d'une telle force, car nécessairement elle déterminera ce qui est territoire israélien et ce qui est palestinien. Ce qui amena, en avril 2001, Washington à bloquer au Conseil de sécurité une résolution dans ce sens. En outre, les Israéliens ont toujours refusé d'appliquer les résolutions 242 et 338 de l'ONU qui déterminent avec exactitude les territoires palestiniens, territoires occupés au lendemain de la guerre du 5 juin 1967. Face à la violence récurrente il faudrait bien finir par en venir à ce que les Palestiniens réclamaient depuis des années: une force d'observation internationale ou américaine. Le président Bush déclarait, mercredi dernier, à Chicago: «Je presse et appelle le monde libre, les pays épris de paix, non seulement à condamner les actes meurtriers mais à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour les empêcher d'arriver à l'avenir.» Sans doute, cependant M.Bush focalise sur les seuls «terroristes» palestiniens, omettant de dire mot de l'intransigeance israélienne qui demeure l'ultime l'obstacle à la paix. Les dirigeants américains ne veulent pas prendre en compte le fait que le seul moyen de stopper la violence c'est encore de séparer les belligérants, comme cela s'est fait dans toutes les contrées du monde se trouvant dans une telle situation. Pourquoi ce qui est valable partout dans le monde, pour restaurer la paix, ne l'est plus au Proche-Orient dès lors qu'Israël, selon toute apparence partie et juge, s'y oppose? Toutefois des voix commencent à se faire entendre comme celle du sénateur américain, John Warner, président républicain de la commission des forces armées au Sénat, qui estime que «la situation est au-delà du contrôle des autorités palestiniennes et israéliennes (...) et la présence de troupes de l'OTAN, y compris américaines, par invitation des deux parties, pourrait détendre la situation des combats». Cependant, si les Palestiniens sont prêts à le faire, il est peu vraisemblable que les Israéliens songeraient à appeler des forces étrangères pour les séparer des Palestiniens. En réalité, la réussite ou l'échec de la «feuille de route» et, partant, le retour à la paix au Proche-Orient, dépendent totalement de la volonté de Washington à affirmer les mêmes fermeté et pression envers Israël qu'ils le font avec les Palestiniens. En d'autres termes, George W.Bush est-il réellement prêt à appliquer une politique d'équilibre pour donner la chance à la paix au Proche-Orient? Car, en fait, c'est encore Washington qui dispose de tous les atouts.