Il est né à Saint-Etienne, de parents algériens. Il est riche de sagesse, d´humanisme et de philosophie. Il s´appelle Kamel Zouaoui et fait des passages très remarqués dans des salles de théâtre un peu partout en France. Sa passion pour le théâtre, il l´a depuis l´âge de 9 ans. Son personnage fétiche, Djoha, lui a été inspiré par Nasr Eddine, cet homme-symbole puisé du patrimoine culturel islamique qui ne cesse de voyager à travers les âges et les continents. Conscient que le monde dérive sous le poids de la bêtise, de la violence et de l´incompréhension de l´Autre, Kamel se sent en devoir de faire intervenir Nasr Eddine, Djoha, le Hodja...et d´autres personnages encore pour rétablir l´ordre des choses de la vie, dans ce qu´elle devrait avoir comme principe de base: la sagesse, la communion, la tolérance et le partage. Par la malice et la dérision, par la bêtise et les provocations, par des rires intenses et des souvenirs d´enfance, Kamel Zouaoui, à travers son spectacle «Les pas sages d´un fou» survolant l´Orient, démontre «l´émerveillement de se sentir d´un seul monde! Tout est dit!!!». Contacté par nos soins, ce talentueux sage, qui n´a rien d´un fou a bien voulu nous entretenir sur ce parcours qui promet un avenir... L´Expression: Parlez-nous de vos débuts? A 9 ans, c´est ça? Kamel Zouaoui: Oui, j´ai commencé le théâtre à l´âge de 9 ans. Je suis né à Saint-Etienne, de parents algériens et nous avions dans notre association de quartier un projet théâtre. Nous formions une troupe d´une dizaine de personnes de tous âges, certains venaient, d´autres partaient, librement. Nous avons fait un travail sur l´oeuvre de Chaplin, de Charlot...Charlot, pour moi, c´est un personnage qui était extraordinaire de finesse, d´humanité, d´amour...c´est un sage, Charlot! Il est porteur d´un message très important qu´il transmet avec un tel talent! J´ai été «Charlot» à la scène pendant 3 ans et donc, dès 9 ans, nous avons parcouru les lycées, les écoles, les collèges, les hôpitaux psychiatriques, les associations ou des salles de théâtre dans la région de Saint-Etienne, encadrés par des adultes bienveillants: ils m´ont beaucoup appris. S´il y a de l´humanisme en moi, encore aujourd´hui, ils doivent y être pour quelque chose (rires). J´étais très jeune, mais grâce a eux j´ai appris beaucoup sur le théâtre. A la même époque, j´ai rencontré Annie Fratellini, une grande Dame du cirque, on a fait un stage de clown avec elle, j´étais le Monsieur Loyal et le chef d´orchestre... et même très jeune, il y a des choses auxquelles on touche et après, on ne peut plus réellement s´en éloigner...J´ai traversé l´adolescence avec notre troupe de théâtre d´enfance! Après, j´ai passé mon Bac A3. A côté de ça, j´ai joué également dans une troupe semi-professionnelle et une troupe universitaire de Saint-Etienne. Et puis, j´ai rencontré Ariane Mnouchkine. Je l´ai vu à Lyon, alors qu´elle donnait Les Atrides, une trilogie, et je suis tombé en syncope et très amoureux de son travail. Je lui ai écrit, on s´est rencontrés, on a pas mal échangé sur les choses du théâtre. Après le Bac, je suis allé à l´université pour étudier la psychologie pendant 3 ans, puis Paris m´a appelé, j´y suis venu, j´ai joué quelques pièces de théâtre et puis j´ai commencé à travailler sur les histoires de Djoha. Pourquoi ce penchant pour ce personnage? Quand j´étais enfant, mes parents me racontaient souvent des contes, c´était chaque fois un moment de fête. Il y a quelques années, en commençant à lire et à rire des histoires de Nasr Eddine, j´ai été très vite emporté par la sagesse et la philosophie de ce personnage. Je me suis laissé porter par son côté malicieux, mais cela ne me suffisait pas, alors je me suis documenté sur lui pour en savoir plus. J´ai rapidement appris que ce personnage a réellement existé et est né en 1209 à Kona (en Perse), c´était un contemporain du penseur et philosophe Djalal Eddin Rûmi (1207-1273). Ses aventures, souvent absurdes de prime abord, sont contées sous forme de paraboles qui ont pour but d´amener à la réflexion et à l´élévation spirituelle par le rire. On disait des aventures de Nasr Eddine qu´elles posaient toujours un rire là où se pose une réflexion (comme pour poser le doigt sur quelque chose qui n´est pas juste!) Ces histoires sont racontées de la Mongolie jusqu´au Maghreb en passant par la Turquie, le Moyen-Orient, la Grèce...Nasr Eddin dit-on a deux tombes, une à Akshéir en Turquie et l´autre en Algérie. Ce personnage, quel que soit le lieu où il est conté est décrit comme un personnage subversif qui se joue de ceux qui se jouent des autres (les puissants, les jaloux, les mauvais) et de Dieu (les hypocrites, les profiteurs de la foi des autres...) Nasr Eddin est un personnage du patrimoine culturel islamique et ses aventures se partagent dans les pays musulmans et partout, là où il y a des porteurs d´oreilles!!! C´est pourquoi, ce personnage n´a pas le même nom ni le même caractère selon les pays! En Algérie, en effet, on le connaît sous le nom de Joha ou Djeha, Djha. Comment est perçu votre spectacle? Quelle connotation lui donne-t-on? Les pas sages d´un fou, que je joue régulièrement à Paris, est un conte humoristico-philosophique écrit à partir de 22 paraboles de Joha. J´ai essayé de faire un travail de synthèse entre Joha le malicieux et Nasr Eddine le sage. Ce spectacle est un pont entre les gens, entre les cultures, entre les générations. Beaucoup le prennent également comme un phare dans une quête identitaire. Je dois avouer que les gens sont surpris lors de ce spectacle. Chacun comprend mon travail à la hauteur de sa propre expérience de vie. Ceux qui connaissent Djoha sont heureux de découvrir Nasr Eddine et inversement. Pour les gens qui connaissaient ce personnage, le spectacle est l´occasion d´un voyage dans leur propre enfance. J´ai souvent dans mes spectacles des familles qui viennent ensemble sourire et philosopher avec le Hodja! Pour ceux qui ne le connaissaient pas, cela est souvent une agréable surprise de connaître un peu de notre patrimoine. Il y a souvent des gens qui s´attendent à un spectacle de stand-up ou d´humour léger...et ils sont très surpris de voir la richesse de la langue et de l´éloquence des personnages. Ils sont transportés par la simplicité et le bon sens des métaphores, alors, ils reviennent avec leurs amis, leurs parents! Je suis toujours honoré quand des jeunes invitent leurs parents à une représentation! Le spectacle semble être pour certains comme une bulle d´oxygène, d´humanité, un point d´accès vers un peu de notre culture sous couvert de culture universelle. Il ne faut pas oublier qu´en 1996, l´Unesco avait décrété «l´Année Nasr Eddine Hodja»! Le vrai salaire du conteur, c´est cet émerveillement je crois! Votre personnage veut-il passer des messages? Lesquels? Bien sûr! J´essaye, en accompagnant ces histoires, de partager quelques valeurs du bon sens, d´humanisme, d´humilité, de simplicité, de sérénité car de toutes façons «ce n´est pas le temps qui passe, c´est nous qui passons!». Je pense que les échos que j´ai de mes spectateurs à travers leurs commentaires qu´ils me font laisse supposer que le message passe et que la communion est là. Je peux citer comme exemple ce commentaire que j´aime bien et qu´avait fait un jour une spectatrice: «Hier, par chance, je décidai d´un pas un peu fou d´aller vers un spectacle qui me ferait peut-être faire un passage vers une culture dont je n´ai en mémoire que les tristes amalgames de notre époque...Et, merveille! Aladin est revenu à dos de Kamel me dire la malice du fou contant des histoires de fous plus sages que leur roi...puisque eux savent du plus profond d´eux-mêmes, qu´ils ne sont rien et que ce rien de poésie nous est indispensable, vital même! Je suis repartie la joie au coeur et cette joie de la malice en humanité qui nous rend à l´émerveillement de se sentir d´un seul monde. Merci Kamel Zouaoui.» L´émerveillement de se sentir d´un seul monde! Tout est dit!!! J´aime bien aussi ces quelques mots d´un père de famille (Tarik): «Un voyage culturel délicieux, une générosité qui guérit les maux, une communion émotionnelle pour toutes les générations. UN VRAI BONHEUR! Parlez-nous de votre passage à Tlemcen? Comment c´était? Magique! La représentation au Centre culturel français de Tlemcen représentait pour moi l´occasion de venir pour la première fois en Algérie! J´avais rencontré en France quelques jeunes de Tlemcen, il y a un an. Nous avions sympathisé et ils étaient venus voir une représentation. Ils m´ont dit que le spectacle plairait certainement aux habitants de Tlemcen, mais surtout ils m´ont parlé de l´Algérie avec une telle énergie, un tel amour que celui-ci a fait écho à l´amour que j´ai toujours eu pour la terre de mes parents. Je me suis alors pris à rêver que je pourrai venir en Algérie avec dans le coeur et dans les mains ce spectacle à partager, comme signe de mon attachement à notre culture. Ils ont parlé de mon travail au directeur du CCF et c´est ainsi que ses équipes m´ont programmé en janvier 2011. Mon séjour à Tlemcen m´a permis de me reconnecter avec mon identité algérienne et surtout m´a permis de donner encore plus de sens à mon travail! J´ai reçu là-bas un tel accueil que je me demande comment j´ai fait pour tenir 37 ans sans venir sur cette terre, qui est aussi la mienne! La jeunesse algérienne a tous les talents! Y aura-t-il d´autres spectacles en Algérie? Avant ma venue à Tlemcen, j´étais déjà amoureux de l´Algérie. Depuis notre rencontre, je pense à elle chaque instant, je ne peux plus m´en passer! Dans mes spectacles, j´essaye de construire un pont entre les gens, eh bien, dans ma vie, je vais maintenant essayer de venir plus souvent en Algérie! Ma double nationalité me permet de venir souvent. D´ailleurs, nous sommes en train de mettre en place quelques dates de représentations à Alger avec le ministère de la Culture algérien et je vais également bientôt jouer à Tizi Ouzou et à Béjaïa. Si d´autres localités souhaitent accueillir mon travail, j´irai à leur rencontre avec plaisir!!! Quels sont vos autres projets? Outre mes représentations en Algérie, je vais présenter le spectacle dans des festivals en France et à l´étranger. Je vais également présenter le spectacle au prochain festival Off d´Avignon 2011. J´accompagne bientôt des élèves du lycée Marcel Cachin de St-Ouen jusqu´en Egypte pour une représentation d´un spectacle qu´on a mis en scène et que nous produirons dans deux orphelinats du Caire. Parallèlement, je vais prochainement diriger un atelier d´écriture d´un conte pour et par des prévenus de la prison de Fleury-Merogis, travail que nous présenterons à leurs enfants, dans la prison. Sinon je joue dans d´autres pièces et je tourne quelques scènes pour le cinéma...A suivre... Que représente pour vous l´Algérie? La France? Le Monde arabe? Je me sens tellement heureux depuis que je suis enfin allé en Algérie! J´ai un monde à découvrir!!! Je suis 100% algérien et 100% français. La France actuelle semble un peu à la traîne...Elle semble oublier ses valeurs essentielles et surtout elle est passée à côté des révolutions arabes...Mais je garde l´espoir que tout le peuple français n´a pas oublié que ce sont nos différences qui nous enrichissent. Et puis, ceux qui tentent par l´obscurantisme de semer le trouble entre les communautés qui composent la France, n´ont qu´à venir entendre les sagesses de Joha et ils verront bien que ce qu´ils font ne rime...à rien, car dans la vie tout est possible, même les meilleurs choses! Le vivre-ensemble a un avenir, il ne faut pas en démordre! A bientôt Inchallah!