Mis en minorité, le recteur de la mosquée de Paris et président du Cfcm n'a, en théorie, d'autre choix que de démissionner. «L'Uoif confirme son caractère plus qu'incontournable et la Mosquée de Paris s'est pris une veste. Ce résultat montre qu'elle ne tient aucune région-clé, à part Rhône-Alpes», analyse Frank Frégosi, chercheur au Cnrs. Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon, a remporté la présidence de cette région, malgré l'opposition de l'Uoif. A cette exception près, le revers de la médaille est terrible pour la Mosquée de Paris. Ainsi mis en minorité, Dalil Boubekeur n'a, en théorie, d'autre choix que de démissionner. Pourtant, ce résultat calamiteux n'est pas une surprise. En décembre de l'année 2002, le ministre de l'Intérieur, qui savait que le verdict des urnes risquait d'être défavorable à la Mosquée de Paris, avait négocié, au sein de la direction du Cfcm, un partage du pouvoir assez peu démocratique, entre les trois grandes fédérations: Mosquée de Paris, Uoif et Fédération nationale des musulmans de France (Fnmf, proche du Maroc). La Mosquée de Paris s'était octroyé la présidence du Cfcm, la Fnmf et l'Uoif, les deux vice-présidences. «Quel va être désormais le rôle du président du Cfcm?», s'interrogeait hier, Chems-Eddine Hafiz, représentant de la Mosquée de Paris. «Est-ce que vous pensez que Lhaj Thami Breze (le président de l'Uoif, ndlr) va accepter de travailler sous les ordres du président du Cfcm?» Samedi dernier, Lhaj Thami Breze a été élu, en effet, à la tête du Conseil régional d'Ile-de-France-Centre. Pour la Mosquée de Paris et la Fnmf, la victoire de l'Uoif est d'autant plus vexante, que ces deux fédérations ont multiplié les manoeuvres et les pressions pour l'éviter. Le 2 mai, elles ont signé, avec les Turcs de France, une alliance secrète, qui a tout de même échoué. Si cette alliance avait été respectée, Lhaj Thami Breze n'aurait pas été élu. Une dé-fection dans le camp des «modérés» lui a permis de l'emporter par six voix contre cinq. En coulisses, les services de Sarkozy se sont également activés pour faire barrage à l'Uoif, avec une efficacité discutable. Ils ont échoué à Marseille et à Paris. Et ont tenté de dissuader Kamel Kabtane, pourtant proche de la Mosquée de Paris, de se présenter en Rhône-Alpes. Malgré ces immixtions, Nicolas Sarkozy, qui avait beaucoup donné de sa personne lors de l'élection du Cfcm, s'était tenu en retrait, ces dernières semaines. Peut-être ne voulait-il pas courir le risque d'être accusé de soutenir l'une ou l'autre des parties. Sarkozy va pouvoir dire: «J'ai donné sa chance à tout le monde, j'ai fait ma part du boulot, maintenant c'est aux musulmans de se prendre en main». Cette analyse de Frank Frégosi, chercheur au Cnrs est appuyée par le fait que le premier enseignement de ces élections, est la faible représentativité des fédérations. Au niveau national, elles peuvent passer les accords qu'elles veulent, au niveau local, les acteurs se positionnent comme ils l'entendent. Et c'est là, le deuxième enseignement. C'est sain dans la mesure où le terrain se prend en main. Reste que la Mosquée de Paris n'a pas dit son dernier mot. Elle devrait négocier aujourd'hui, une évolution du mode de prise de décision au sein du Cfcm et des Crcm. Si celles-ci étaient prises, non pas à la majorité, ce qui donnerait automatiquement l'avantage à l'Uoif, mais sous forme de consensus, Dalil Boubekeur pourrait, alors, retirer sa démission. L'Uoif a été invitée à la réunion de ce matin.