L'offre de Ouyahia est un progrès encourageant, même s'il vient tardivement. L'invitation au dialogue lancée aux ârchs par le Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a été qualifiée de «progrès encourageant, même s'il vient tardivement» par l'International Crisis Group (ICG), une Organisation non gouvernementale (ONG) basée à Londres. Dans un rapport rendu public le 10 juin dernier, sur la crise en Kabylie intitulé «Agitation et impasse en Kabylie», l'ICG émet une série de recommandations dont la plus importante est la constitution d'une enquête parlementaire sur la situation économique de la Kabylie. A propos de l'offre de Ouyahia, l'ICG considère qu'«il en faudra plus» pour résoudre ce problème qui est «bien plus un problème national que de simples troubles locaux ou ethniques». Pour elle, la crise de Kabylie «est un conflit local qui a entraîné des coûts humains et matériels considérables». De plus, la Kabylie s'est révélée être un «terrain de manoeuvre du pouvoir et des forces de l'opposition en préparation à l'élection présidentielle» et ce conflit est le «reflet de problèmes nationaux plus généraux», estime l'organisation. Pis encore, il s'agit d'un «conflit (...) porteur de dangers pour l'Algérie dans son ensemble, dans la mesure où il aggrave l'instabilité du régime et remet en cause le rapport de la Kabylie à la nation». L'ICG explique la crise qui secoue la Kabylie depuis plus de deux ans, par «l'absence d'institutions politiques adéquates permettant la représentation régulière des intérêts et l'expression pacifique des griefs». Concernant le mouvement des ârchs qui s'est efforcé «de canaliser la colère de la jeunesse kabyle dans une forme de protestation politique non violente», l'ICG lui reproche «son incapacité de s'étendre en dehors des limites de la Kabylie et à atteindre ses objectifs principaux (...)». L'ICG n'y ira pas de main morte avec le pouvoir. «Paralysé par les divisions internes et la résistance au changement, il (le Pouvoir) n'est pas parvenu à réagir de manière efficace aux revendications légitimes, contribuant ainsi à la dégénérescence du mouvement qui, par son radicalisme intolérant et irréaliste, s'est aliéné la sympathie du public», estime l'ICG. Pour toutes ces raisons, «l'agitation n'a suscité aucun progrès en faveur de la démocratie et de l'Etat de droit et le problème de la hogra, qui a pour origine l'absence d'une représentation politique efficace, persiste», déplore cette organisation. L'ICG suggère au mouvement des Coordinations en Kabylie, d'«abandonner le recours à la violence afin de regagner l'initiative morale et le soutien du public et donner l'exemple» et à réfléchir plutôt à «influencer les électeurs de manière pacifique par l'exercice de pressions publiques sur les partis politiques afin qu'ils soutiennent les objectifs du mouvement». L'ICG invite également le mouvement citoyen à «se concentrer sur des objectifs réalistes et réalisables», «obtenir que soient satisfaites les revendications légitimes qui ont suivi les événements du printemps noir et leurs répercussions», et à renoncer «à la revendication concernant le retrait de l'ensemble de la gendarmerie de Kabylie». Concernant les points 9 et 11 de la plate-forme d'El-Kseur, l'ICG voit que leur satisfaction «ne pourra pas être atteinte rapidement et nécessite de mener une campagne prolongée d'éducation politique pacifique dans l'ensemble du pays». En tout état de cause, l'ONG invite les ârchs à renoncer au caractère «non négociable» des revendications, à élargir le mouvement à d'autres associations et mouvements de la société civile, à permettre aux débats de se dérouler au sein du mouvement, à «renoncer à l'ostracisme et à la diffamation des dissidents, et à inviter ceux-ci à réintégrer le mouvement». Enfin, l'ICG recommande au gouvernement, de «reconnaître publiquement que le mouvement (...) a soulevé des préoccupations légitimes» auxquelles le gouvernement et le Parlement devront proposer des mesures adéquates. Il préconise un «châtiment approprié des gendarmes et des autres membres des forces de sécurité coupables d'avoir enfreint leurs consignes concernant l'utilisation d'armes ou d'avoir outrepassé leur autorité d'une autre façon (...)». L'ONG préconise également la révision des statuts des APC, des APW et des wali ainsi que celui de la daïra qui ne prévoit pas de représentant élu. A l'adresse des partis politiques de Kabylie, l'organisation leur demande de faire «des propositions concernant l'accroissement des pouvoirs des assemblées élues à tous les niveaux, et faire campagne en leur faveur» et «la création d'une commission d'enquête parlementaire chargée d'étudier la crise économique de la région de Kabylie» associant toutes les parties.