La disparition de Nahnah ouvre une nouvelle page de l'histoire du MSP. En effet, de par son statut de principal fondateur du parti, l'homme y campait le rôle de leader incontesté. Son charisme au sein de la base militante faisait taire toute protestation de certains cadres, mécontents de la ligne suivie. Le MSP sans Nahnah changera manifestement de visage et le courant dit moderniste, qui le traverse et dont Nahnah tenait compte dans sa démarche politique, sera mis à rude épreuve par les conservateurs, tenus en respect par le président défunt. Incarné par Amar Ghoul, plusieurs fois ministre dans les gouvernements Benflis et Ouyahia, le courant moderniste du MSP devra faire entendre sa voix au sein d'une formation qui a laissé beaucoup de plumes lors des derniers rendez-vous électoraux. La tentation d'une radicalisation du discours est, en effet, grande dans les rangs d'une formation qui donne l'impression d'avoir perdu au change face à un pouvoir qui ne lui tend pas la perche, et d'un courant islamiste où la radicalisation semble réussir. Bien qu'ayant très bonne presse au sein de la base militante du parti pour ses qualités humaines et ses compétences sur le terrain en tant que ministre de la République, Amar Ghoul devra convaincre les responsables de son parti de poursuivre sur une ligne moderniste qui évacue de son discours les expressions par trop théologiennes. Docteur d'Etat en génie nucléaire, l'homme personnifie en quelque sorte la classe pensante de l'islamisme soft que Nahnah voulait promouvoir à des postes clés au MSP. En fait, Ghoul fait partie de la génération d'hommes politiques qui retiennent de la pensée islamique la droiture et autres concepts humains, tout en s'éloignant des visions dogmatiques, chères à de nombreux islamistes algériens. Seulement en politique, il est très difficile d'imposer la rationalité lorsque la scène partisane se trouve parasitée par des surenchères électoralement payantes. La disparition de Nahnah, intervenant à quelques semaines seulement du congrès de ce parti, il est évident que les modernistes au MSP sont appelés à mettre les bouchées doubles aux fins de s'imposer à la barre d'une des plus importantes formations du paysage politique national. Même si l'heure n'est pas aux calculs politiciens, il n'en demeure pas moins que la survie du MSP est quelque part en jeu, du fait de la rupture de l'équilibre au sein du parti. Ghoul et ses compagnons, dont plusieurs ministres, sauront-ils sauvegarder cet équilibre, tout en maintenant la ligne imprimée par son ex-leader ? Rien ne permet, pour l'instant, de répondre positivement ou négativement à cette interrogation, tellement les contradictions étaient mises sous silence du temps de Mahfoud Nahnah. Dans les semaines à venir, et à raison que se rapproche le rendez-vous du congrès, les langues vont se délier et l'on saura les véritables poids des modernistes au MSP