la disparition du leader du MSP va peser de tout son poids sur la présidentielle de 2004. L'hommage rendu par le Président de la République au Cheikh Nahnah est sincère et vient du fond du coeur, tant il est vrai que la disparition du leader du MSP va peser de tout son poids sur la présidentielle de 2004. Pour de nombreux observateurs, en effet, M.Bouteflika vient de perdre un allié précieux dans la course à un deuxième mandat, et il ne croit pas si bien dire lorsqu'il écrit ces mots pleins de sens: «Son sourire éternel, son éloquence extraordinaire, sa pertinence et son intelligence resteront à jamais gravés dans nos mémoires, tant il était sagesse et clairvoyance». On sent pointer l'émotion dans ce portrait, qui fait ressortir les qualités intrinsèques de l'homme: la sagesse et la modération, mais aussi son sourire, tant ici les caractères physiques reflètent les qualités morales. Dans les forces qui constituent la coalition gouvernementale, et qui sont censées former ce que, sous d'autres cieux, on appelle la majorité présidentielle, seul le MSP ne pose pas problème au Président de la République. Le FLN d'Ali Benflis vient de tourner casaque et reste marqué par des soubresauts dont on ne connaît pas encore le dénouement, le RND donne l'air de s'être assagi, mais, en fait, il n'a pas cessé de ruer dans les brancards depuis que sa place de premier parti d'Algérie lui a été ravie. Ces deux dernières formations politiques, tout en appliquant le programme politique du Président, ne lui reconnaissent pas un rôle dirigeant et défendent un autre programme dans les meetings et dans leur littérature partisane. Le FLN, qui prône une économie sociale de marché, conteste le programme de privatisations tracé par l'équipe du Président et parle aujourd'hui de présenter son propre candidat à la présidentielle de 2004. Le RND, lui, rejette un autre aspect de la politique du Président, à savoir la concorde nationale, alors que sur le plan économique et social, il veut aller plus loin que le chef de l'Etat, par exemple en ce qui concerne la privatisation des terres ou la révision du Code de la famille. Quant à la loi sur les hydrocarbures, les deux frères ennemis ne sont pas sur la même longueur d'onde que le Président. Si on cherche, on trouvera bien d'autres points de discorde. Seul le MSP ne pose pas problème au Président. Non seulement le Cheikh Nahnah avait promis d'apporter son soutien au candidat Bouteflika en 2004, comme il le fit en 1999, après avoir été éliminé de la course d'une manière peu élégante et peu digne pour un Etat de droit, mais en plus au gouvernement, il a su s'aligner sur les positions les plus modérées. En défendant le statu quo par rapport aux projets de réforme du système éducatif et du Code de la famille, le Cheikh avait pour souci premier de caresser sa base dans le sens du poil tout en ne mettant pas mal à l'aise ses partenaires au sein de la coalition gouvernementale. Le Président lui saura toujours gré de cette attitude pondérée. C'est à partir des accords de Sant'Egidio qu'on a commencé à mieux saisir la démarche tout en nuances du Cheikh. Alors qu'il a fait partie des premiers pourparlers, son refus de les signer a montré un homme qui n'accepte pas de sauter dans le vide. Au moment du choix décisif, il a fait machine arrière et, depuis, il est devenu un membre à part entière du système, l'un de ses piliers. Sa sagesse le poussait au compromis, au partage, aux politiques mi-figue mi-raisin, aussi bien au niveau doctrinal qu'au niveau de l'action. Ce qui pouvait être pris pour un flou artistique au début, est devenu, au fil du temps, une philosophie. Ses petites phrases ont été mises à l'épreuve dans le feu de l'action. La chouracratie (mélange de choura et de démocratie), mais aussi la marhalia («l'étapisme»), la modération et la participation ne furent pas seulement un vulgaire entrisme, mais permirent à l'homme, qui est parti de l'islamisme, de se révéler un homme d'Etat soucieux avant tout du pragmatisme et de la recherche des résultats dans l'action politique, tout en refusant de sacrifier les intérêts du pays sur l'autel des visées des salafistes. En cela, sans aucun doute, il donne un sens au sacrifice suprême du Cheikh Bouslimani, qui refusa au prix de sa vie, d'émettre une fetwa pour légitimer les crimes terroristes. Cet habile manoeuvrier au sourire ravageur a su, au moment opportun, adapter les statuts de son parti, qui changea l'appellation de Hamas pour celle de Mouvement de la société pour la paix. Ainsi donc cet homme, qui a choisi le camp de la paix, manquera très certainement parmi les soutiens du Président Bouteflika en 2004.