Dans le Conseil des ministres d'hier, le Président de la République a décidé de signer le décret portant création de Dar El-Ifta'. Cette idée, qui remonte à quelques mois déjà, à la suite d'un Conseil de gouvernement tenu en ce sens, vise à prémunir la religion contre toute manipulation politicienne, comme il s'en produit quotidiennement, puisque l'Etat ne peut, en aucune manière, contrôler efficacement les dizaines de milliers de mosquées qui peuplent le territoire national. Dans sa déclaration relative au sujet, le Président Bouteflika a clairement annoncé ses intentions en indiquant que cette institution est «appelée à être la référence officielle en matière d'inter-prétation religieuse». L'Algérie, qui cherche désormais à vivre en bonne intelligence avec la religion de l'Etat, donne les pouvoirs à cette institution, dont la présidence échoirait à une autorité religieuse incontestable, le futur mufti de la République, de pratiquer «la jurisprudence (c'est-à-dire la fetwa) ainsi que l'unification des fetwas au niveau national». Cette mesure, devant la montée en puissance de l'islamisme politique et les actions prosélytiques sur le terrain à l'approche de la libération des deux anciens leaders de l'ex-FIS, vise ainsi à contrer ce mouvement. Les décideurs semblent avoir compris que des résultats meilleurs peuvent être obtenus grâce à la pédagogie au lieu de la répression bien souvent aveugle et donnant des résultats inverses à ceux escomptés. Le Président, très conscient de ces problèmes, prônant plus que jamais la nécessité d'aller vers une concorde authentique entre tous les citoyens, a indiqué que «l'absence de source référentielle officielle en matière d'ifta' a été à l'origine de la fitna et des déviations dans l'interprétation et la compréhension du Coran, que certains parasites s'évertuent à propager pour tromper la société». Même si le Président ne précise pas de quels parasites il s'agit, il ne fait aucun doute qu'il vise aussi bien les terroristes islamistes que ceux qui ont fait de l'Islam un très rentable fonds de commerce comme il s'en trouve des milliers, voire des dizaines de milliers, partout dans le pays. Pour le Président, «la création de Dar El-Ifta' (qui a connu un arrêt assez long à cause de la crise apparue entre la présidence et le gouvernement et qui avait empêché la tenue du Conseil des ministres pendant de nombreux mois) vise ainsi à corriger cette situation en garantissant l'interprétation juste et des préceptes de notre religion et la propagation de la pensée et de la culture islamiques en tant que partie intégrante de la culture de la civilisation universelles». Rien ne garantit toutefois que ce projet, pour le moins ambitieux, puisse réussir alors qu'il intervient au moment où le mouvement des intégristes islamistes vient de reprendre du poil de la bête et d'investir de nouveau villes et villages du pays sans que les autorités aient pu rien y faire.