Encore une autre reculade du président de la République. Annoncé en grande pompe par la porte-parole du gouvernement, en marge d'un conseil tenu le 2 février dernier, le projet de création d'une Maison de fetwas est gelé par le chef de l'Etat. Ce point n'a pas été inscrit à l'ordre du jour des deux Conseils des ministres qui se sont tenus le mois dernier. La raison de ce revirement n'est pas connue pour le moment. Cette absence d'explication et de justification sur ce retrait suscite pour le moins des interrogations et ouvre, par ailleurs, la porte à toutes sortes de spéculations. Contre toute attente, le président de la République a décidé de renvoyer sine die l'adoption d'un texte qui était pourtant nécessaire pour codifier la promulgation des fetwas, sujet de prédilection de tous les charlatans et objet de convoitises des intégristes islamistes. Dar el-ifta' est l'institution qui devait permettre la réappropriation, voire la récupération par l'Etat d'un des moyens utilisés par les hordes sauvages pour justifier des années durant le massacre des Algériens. La marche arrière opérée par le premier magistrat du pays a surpris tous les observateurs, même si les revirements ont fini par devenir une tradition chez un Président “trop calculateur et équilibriste”. La décision de reporter la mise sur pied d'un mufti de la République est mue par des “considérations électoralistes”. Le locataire d'EI-Mouradia ne veut pas fâcher le camp des islamistes qui pourrait lui procurer quelques voix pour passer l'examen d'avril 2004. Ce n'est pas la première fois qu'il décide une chose et fait son contraire. Après avoir institué des commissions sur la réforme de l'école et celle de l'Etat, le président de la République a, une fois que les conclusions lui ont été remises, vite fait de les mettre dans les tiroirs pour éviter de soulever des contestations. La culture de la résistance a laissé place à celle des compromis chez Bouteflika. Tous les projets initiés ont fini par être abandonnés par le chef de l'Etat qui préfère, soit reporter l'adoption des dossiers sensibles, soit les laisser en suspens pour faire semblant de réfléchir à leur mise en œuvre. Après avoir pris la décision de réformer le secteur névralgique des hydrocarbures, en confiant cette mission à son ministre de l'Energie, Bouteflika a reculé devant les vives protestations de la Centrale syndicale. Il a envoyé son ami Khelil au charbon et sur un terrain extrêmement périlleux pour ensuite le désavouer en prononçant le gel du très controversé projet de privatisation de Sonatrach. A ce rythme, aucune décision ne sera prise durant l'année qui nous sépare de l'échéance d'avril 2004. M. A. O.