Le Dr.Dalil Boubakeur, recteur de l'Institut musulman de la Grande Mosquée de Paris, président du Conseil français du culte musulman, a fait l'objet, hier, d'une invraisemblable tentative de destitution. En effet, en fin de matinée, une dépêche du bureau de Paris de l'APS a fait état d'un communiqué annonçant le souhait de Dalil Boubakeur de se faire remplacer à la tête du Conseil français du culte musulman (Cfcm) pour «raison de santé». Dans l'après-midi, une deuxième dépêche de l'APS contredit cette information en annonçant que le Dr Dalil Boubakeur a «catégoriquement» démenti avoir l'intention «d'abandonner ou de suspendre» sa participation au Cfcm. Le deuxième communiqué indique que le Dr Boubekeur «actuellement à l'étranger dément catégoriquement avoir l'intention d'abandonner ou de suspendre sa participation en tant que président du Conseil français du culte musulman?». Il est à noter que le premier document remis à l'APS portait la griffe et le sceau du recteur de l'Institut musulman de la mosquée de Paris. Immédiatement après la diffusion du premier communiqué, Lhaj Thami Breze, président de l'Uoif, a réagi en affirmant qu'il «regrettait la décision de Dalil Boubakeur» avant d'ajouter: «Je pense que ce n'est pas responsable, je suis très étonné de son attitude.» «Depuis qu'il est président, dira-t-il, il n'a pas cessé d'annoncer sa démission. Je ne sais pas quel est le vrai mobile ou s'il ne subit pas les pressions de ceux qui ne veulent pas qu'il y ait de représentation des musulmans de France.» De son côté, le président de la Fédération nationale des musulmans de France (Fnmf), Mohamed Bechari, a fait connaître aussi son «regret de cette décision». «Dalil Boubakeur est une personne apaisante, son âge, son expérience et sa personnalité ont favorisé un discours rassurant», a-t-il dit, ajoutant qu'il espérait «un prompt rétablissement». Mais «personne n'est indispensable, le Cfcm restera», a-t-il ajouté, en demandant la convocation d'urgence du bureau exécutif de cette instance. L'annonce du retrait de Dalil Boubakeur avait fait le bonheur de ses adversaires au sein du conseil et des opposants à une représentation de l'Islam en France. Le président du Cfcm a déjà essuyé un revers aux élections des présidents des conseils régionaux (Crcm) qui ont consacré la victoire des candidats de l'Union des organisations islamiques de France (Uoif, proche des Frères musulmans) dans plusieurs régions. Le 16 juin dernier, Dalil Boubakeur avait affirmé qu'il «restait» à la tête du Cfcm, pour ne «pas laisser la place libre» à la mouvance d'un «Islam politisé». Cependant, le mauvais score des listes de la Mosquée de Paris à l'élection du Conseil français du culte musulman (Cfcm) a été ressenti comme un séisme au sein de la communauté algérienne établie en France. Ce score apparaissait d'ailleurs comme un échec personnel de Dalil Boubakeur. Treize ans de règne à la tête de la plus prestigieuse institution musulmane en France n'ont pas suffi à ce dernier pour effectuer un réel travail de terrain dans une population musulmane en plein bouleversement. Pris entre le souci de ne pas rompre avec l'Algérie, qui finance l'essentiel des activités de la Grande mosquée (50 millions de dinars), et celui de s'attirer les bonnes grâces des autorités françaises, le recteur s'est enfermé dans un jeu d'alliances. Une stratégie qui s'est avérée catastrophique pour l'Algérie et qui a fait le jeu de Nicolas Sarkozy. Cela a naturellement apporté de l'eau au moulin de ceux qui, parmi la communauté algérienne, ne voyaient pas d'un bon oeil l'élection de Dalil Boubakeur à la tête du Cfcm. Pour rappel, la mosquée de Paris a été inaugurée en 1923 en signe de reconnaissance aux Tirailleurs algériens. Dalil Boubekeur, 62 ans, a été élu président du Cfcm le 4 mai dernier pour un mandat de deux années.