Un soldat américain tué hier, un blindé et ses deux occupants enlevés, les choses se compliquent pour les forces d'occupation de la coalition. La résistance irakienne, sous forme de guérilla urbaine, prend de l'ampleur en Irak contre les forces de l'occupation américano-britanniques. Les harcèlements sont maintenant quasi quotidiens mettant dans l'expectative les Américains et les Britanniques qui pensaient, ou espéraient, que les attaques anticoalition seraient vites maîtrisées et que tout rentrerait dans le nouvel ordre que veulent imposer les forces d'occupation. Sur le terrain, la situation sécuritaire qui s'aggrave chaque jour est marquée par la recrudescence des attentats contre les Américains et les Britanniques. Cette nouvelle donne préoccupe de plus en plus les états-majors à Washington et à Londres lesquels, s'ils font montre d'une certaine perplexité, tentent néanmoins de relativiser la portée de ces attaques «terroristes». De fait, la pax americana a quelques difficultés à s'imposer au peuple irakien qui lutte avec les moyens de bord contre l'occupation étrangère. Aujourd'hui, aucune région de l'Irak n'est en réalité sécurisée et les attaques peuvent venir de partout, comme celle de jeudi à Koufa, proche de la ville sainte de Najjaf, lors de laquelle un soldat américain a été tué, pourtant réputée comme l'une des régions les plus calmes d'Irak. Il y a aussi cette capture mercredi à Balad, au nord de Bagdad, d'un blindé léger avec ses deux occupants, des soldats américains, qui indique une montée en puissance de la résistance des fedayin irakiens qui ne laissent plus de répit aux soldats américains et britanniques. De fait, à en croire des sources américaines, le blindé capturé a été aperçu hier à Bagdad, ce qui a fait dire à un officier américain que ce blindé pourrait «être utilisé pour une attaque terroriste». Ainsi, selon le commandant américain Robert Twinner, «les deux soldats ont été enlevés mercredi à une vingtaine de kilomètres au sud de Balad, mais leur véhicule, un Humwee, a été repéré à Bagdad et pourrait être utilisé pour mener une attaque terroriste, selon nos services de renseignement» soulignant: «Ils croient que la milice des Fedayin, (cf. milice dirigée par le fils aîné de Saddam Hussein, Oudai Saddam Hussein), qui a enlevé les deux soldats, utilise le véhicule pour s'approcher des forces américaines et probablement mener de nouvelles attaques terroristes». Ici, la sémantique américaine est claire, transformer la résistance irakienne à l'occupation de fait, en simple «terrorisme», qui est condamné par la communauté internationale. Le choix des termes et qualifications ainsi opéré ne sont guère innocents mais visent en fait à une sorte de transfert de légalité, faisant d'une occupation - obtenue par la violence contre un pays souverain - un acte légal, alors que la résistance du peuple irakien - à cette occupation pour ses droits - est qualifiée d'illégale par l'occupant. Les Etats-Unis veulent de la sorte faire coup double, légaliser l'occupation et disqualifier la résistance du peuple irakien. De fait, les rafles permanentes parmi la population, les perquisitions de domiciles, souvent accompagnées de chiens, ont fini par excéder une population, certes débarrassée du régime dictatorial de Saddam Hussein, mais nullement disposée, pour autant, à vivre à nouveau sous le joug de l'occupation, alors que la coalition semble peu se soucier des formes et de la liberté au nom de laquelle elle a envahi et occupé l'Irak. En vérité, comme l'indiquait le sénateur républicain, Dick Lugar, président de la commission des affaires étrangères du Sénat, «une guerre était toujours en cours». En fait, la confrontation est loin d'être terminée avec la chute de Saddam Hussein. A contrario, la «vraie» guerre ne ferait que commencer. Le Congrès américain, réuni ces derniers jours pour discuter du problème des introuvables armes de destruction massive irakiennes, n'a pas manqué de faire part de «son anxiété grandissante» face aux « difficultés » que rencontrent les Etats-Unis en Irak, craignant ainsi, un «enlisement». Or, la coalition n'est-elle pas déjà en plein dans le bourbier irakien? Aussi, des sénateurs américains estiment qu'il est grand temps que le président Bush informe les Américains «de l'ampleur de la tâche en Irak», et de les préparer «à un engagement militaire et financier de longue haleine». Par ailleurs, cette recrudescence de la violence en Irak, n'est pas étrangère, estiment certains analystes, à la manière dont l'administrateur en chef américain, Paul Bremer, gère l'Irak, mettant en doute ses capacités à mener à bien le programme de reconstruction envisagé pour ce pays. De fait, un certain malaise apparaît à Washington ce qui semble avoir incité le Pentagone à désigner une commission de 5 experts «indépendants» devant enquêter sur «la stratégie américaine dans l'Irak de l'après-guerre, sur fond d'accusation d'impréparation de la part de Washington», indiquait le Financial Time d'hier. Le quotidien britannique du monde des affaires, estime, par ailleurs, que ce recours à des experts extérieurs souligne le «trouble vécu actuellement à Washington face aux problèmes affrontés par les troupes américaines». La qualification de «trouble» est plutôt un euphémisme devant la dégradation continue de la situation en Irak. Et les jours à venir ne s'annoncent guère plus sereins pour l'occupation américano-britannique.