Accuser le séisme de tous nos malheurs reviendrait à nier une certaine réalité. Les professionnels de la construction, scientifiques, architectes, ingénieurs et chercheurs universitaires sont unanimes à reconnaître que «la catastrophe a pour origine l'homme, à travers sa gestion de l'urbanisation». «Il faut, disent-ils, réconcilier l'homme de science avec le décideur politique pour l'élaboration des plans d'occupation, de construction et d'aménagement du territoire». C'est ce qui ressort de la conférence-débat consacrée à l'«Autopsie du bâti», organisée, hier, au centre de presse d'El-Moudjahid. S'il n'est point possible en l'état actuel des connaissances de prédire de manière sûre et suffisamment à l'avance, les événements sismiques, il est, en revanche possible aujourd'hui de réduire considérablement le risque sismique en prenant des mesures adéquates pour le ramener à un niveau acceptable. En Algérie, les différentes études géologiques et sismologique ont montré que 70% du nord du pays sont soumis à l'activité sismique. Dans cette partie du territoire national sont concentrés au moins 90% des installations socio-économiques et politiques du pays. Le territoire algérien est soumis à une activité sismique intense comme en témoignent les nombreuses et violentes secousses ressenties dans le passé. Pour éviter ces catastrophes, les professionnels avaient fait plusieurs recommandations aux pouvoirs publics selon une réglementation parasismique des constructions et l'élaboration d'études de vulnérabilité au risque sismique. Malheureusement ces recommandations n'ont jamais été prises au sérieux. Le professeur Abdelkrim Chelghoum, spécialiste en génie sismique et ancien recteur de l'université de Boumerdès, a relevé quelques observations d'une équipe d'architectes et d'ingénieurs qui ont visité les sites sinistrés de Boumerdès, Corso et Zemmouri El-Bahri. De l'analyse des ultrasons et des échantillons du sol, il a été conclu que ces experts concluent que «60% des effondrements sont dus à des effets de site (nature du terrain)». Cette conclusion reste beaucoup plus valable pour les sites de Boumerdès où les construction ont été faites sur du sable. En outre il a été constaté l'inexistence de joint parasismique entre deux bâtiments en plus d'une étude de sol malfaite (microzonage). Tandis qu'à Zemmouri El-Bahri, pourtant zone épicentrale, seules quelques habitations, dont un hôtel et une villa, ont été détruites. Alors qu'à Corso zone marécageuse, les bâtiments de l'Eplf, dépourvus de «cage anti-sismique», s'étaient complètement effondrés. A quelques mètres de là «des bâtiments construits en 1978 par la Sonatiba sont restés indemnes» car dotés d'un noyau central et d'un voile périphérique, a rappelé Chelghoum. «Sur le plan réglementaire, conception et études, bref en théorie, les constructions publiques ou celles recevant du public sont à 90 % conformes aux normes. Mais sur le plan de la réalisation, c'est malheureusement tout autre chose» Ce constat a été fait par Laâdjouz architecte de son état qui n'est pas allé avec le dos de la cuillère en déclarant que «du mauvais ciment et du mauvais agrégat ont été utilisé dans la construction». Entamant le volet de la réhabilitation des bâtis endommagés, il met en garde les pouvoirs publics de ne pas «confier cette tâche aux entreprises d'APC ni à la wilaya mais à des entreprises maîtrisant les normes parasismiques». Ceci remet en cause la qualification des entreprises. L'autre point soulevé par les présents a trait au fait que le module de parasismologie n'est pas enseigné aux architectes ni aux ingénieurs au niveau des universités. Pour Laâdjouz «les professionnels travaillent en amont mais ceux qui sont en aval donnent des autorisations de construction aux premiers venus». Un fait est reconnu par les présents «Nous avons de bons urbanistes mais il n'y a aucun suivi sur les chantiers, nous n'avons pas d'ouvriers spécialisés, le béton utilisé répond rarement aux normes, etc». Mais tout cela l'expertise va le déterminer en même temps que la responsabilité de chaque exécutant.