Les militants du partis dissous ont travaillé à préparer le retour à la vie civile de leurs deux leaders emprisonnés. Le «message au peuple» de Abassi Madani à la veille de sa libération en dit long sur ses intentions, une fois sorti de prison. En fait, il semble que cette sortie médiatique du leader de l'ex-FIS est le énième acte d'une «fresque» islamiste, dont la présentation à l'auditoire devrait se produire ce vendredi à l'occasion de la prière. En effet, le déploiement des troupes de Ali Benhadj a commencé il y a des mois de cela. Un retour d'abord discret, mais dont les manifestations allaient crescendo, jusqu'à apparaître au grand jour, au lendemain du séisme qui a frappé Alger et Boumerdès. Les islamistes, agissant désormais à visage découvert, se lancent dans des opérations de propagande sur les lieux-mêmes du séisme, mais aussi dans les quartiers populaires d'Alger. Ainsi, des scènes qu'on croyait disparues refont surface et ce sont bien entendu les qui reçoivent les plus âpres critiques. Surfant sur une vague de retour de la ferveur religieuse consécutive à la catastrophe naturelle, les troupes de Abassi et Benhadj réinvestissent la rue jusqu'à organiser des prières collectives en plein air, comme au temps où l'ex-FIS était à son apogée. Cette fièvre islamiste n'est pas née du néant. Les militants du partis dissous ont travaillé à préparer le retour à la vie civile de leurs deux leaders emprisonnés. Un véritable réseau dormant a été activé pour l'occasion. C'est là un autre acte du scénario cousu de fil blanc, dont l'objectif est de réaliser un grand coup politico-médiatique et replacer le parti dissous sur la scène politique. La mort de Mahfoud Nahanh, homme de tolérance et de dialogue, a permis aux radicaux islamistes de saisir l'opportunité et d'affiner leur stratégie, en instrumentalisant ses funérailles pour démontrer le poids de l'islamisme en Algérie, à travers un travail de proximité dans les quartiers populaires, allant jusqu'à déformer les propos du défunt cheikh. Un opportunisme d'une efficacité redoutable qui vient, en fait, en appoint à la stratégie de redéploiement des intégristes sur le devant de la scène. Cela étant, à mesure que la date de la libération de Benhadj et Madani approche, leurs troupes se font plus pressantes et surtout plus visibles. Aujourd'hui, la capitale offre un visage pas très éloigné de celui des années 1990-91. Le vendredi 4 juillet risque de replonger Alger dans l'ambiance qui a préludé à l'avènement de la violence terroriste. On s'attend, en effet, à voir les abords de la mosquée Es-Sounna, voire tout le quartier de Bab El-Oued, inondés par les islamistes en kamis ou en tenue afghane. Kouba, quartier de prédilection de Ali Benhadj, est susceptible d'être choisi pour accueillir la marée humaine, attendue pour l'occasion. La lettre de Abassi Madani, même si elle n'indique pas l'endroit où lui et l'enfant terrible de l'islamisme algérien comptent faire leur prière du vendredi, n'informe pas moins ses troupes de leur intention d'être ensemble dans un même endroit, et qui plus est, un jour très symbolique pour les 30 millions de musulmans que compte l'Algérie. Manifestement, la lettre de Abassi Madani est le dernier détail du scénario qui peut faire faire à l'Algérie un bond de douze ans en arrière. Abassi Madani s'étant exprimé, la seule inconnue dans cette «fresque» islamiste n'est autre que Ali Benhaj lui-même. Au jour d'aujourd'hui, personne ne peut prévoir sa réaction à sa sortie de prison. En tout état de cause, cet événement d'une haute signification politique, est de loin le plus important de ces deux dernières années. La réussite ou pas de la prochaine échéance politique dépendra de la gestion par les pouvoirs publics de ce nouveau dossier, pour le moins brûlant.