Parler de cette ville, par le passé, était un exercice des plus faciles. Il suffisait seulement de parler de l'Emir Abdelkader, de Belloumi, des exploits du Ghalia. C'était ça un tableau aux couleurs chatoyantes, facile à peindre. Mais aujourd'hui, depuis l'apparition de la peste à Zaghloul et Asalaïmia, les choses sont devenues plus sombres. Mascara n'est pas la ville des eaux qui faisait la fierté de Bouhanifia, elle a soif tout comme les autres contrées de l'Algérie. Avec la peste, toute la misère qu'on voulait enfouir sous des tonnes de promesses est apparue au grand jour. Les gens n'y mangent pas à leur faim, le chômage y est pesant et les affaires de la collectivité sont mal gérées. Zaghloul, un petit bourg, écrasé par la chaleur et par la poussière qui se dégage des pistes qui forment ses seuls accès, avait enregistré, il y a une semaine un cas de peste bubonique. Un ouvrier qui travaillait non loin de Kehaïlia avait contracté la maladie. Le personnel du petit centre de soins du village avait tenté de comprendre quelque chose au cas du patient, mais sans grand résultat. Il a fallu se résoudre à transporter le malade au CHU Oran. Depuis l'apparition du premier cas de peste, les autorités locales avaient décidé une campagne de dératisation. Cette façon d'agir avait soulevé le courroux du ministre de la Santé qui avait donné l'ordre de procéder autrement en entamant une campagne d'éradication des décharges sauvages et une autre de désinsectisation locale avant de penser à faire la chasse aux rats. Un responsable local pour ironiser dira: «Nous sommes réduits à refaire une beauté aux rats avant de penser à les éradiquer.» Ce schéma de lutte contre la peste a été dicté par l'Organisation mondiale de la santé qui a préconisé de déclencher une campagne de désinsectisation parallèlement à une campagne d'hygiène avant de penser à éradiquer les rats. C'est la seule façon de faire en mesure de tuer la puce du rat qui est le principal vecteur de la maladie. Les autorités locales de la wilaya de Mascara sont unanimes à dire que les produits phytosanitaires sont disponibles. Des quantités ont été acheminées d'Alger et ont été distribuées aux différentes APC de la région. A Asalaïmia, résidence du deuxième malade atteint de peste, le soleil de plomb fait fuir même les plus téméraires. Ici, la misère est visible partout. La localité à vocation agropastorale, écrasée par une sécheresse qui dure depuis des années, n'a pas réussi à faire sa mue. Elle n'est pas un pôle industriel, tout comme elle n'a pas la vocation d'un centre commercial. C'est un lieudit et c'est tout. Les autorités locales ont pris les choses en main pour ne pas avoir à gérer des situations de catastrophe. «On a recensé les décharges sauvages en vue de les traiter avant l'incinération des ordures et leur éradication», dira un responsable local. Le maire de la localité était jeudi au four et au moulin, il est vrai que la proximité de sa commune du foyer de Kehaïlia n'est pas faite pour arranger les choses. «Il faut dresser des barrages devant la maladie et pour ce faire, mobiliser toutes nos équipes pour ne pas être pris au dépourvu», avouera M.Mohamed Mokdad, président de l'APC, qui précise que de grandes quantités d'actiline et de phénolite, des insecticides, sont disponibles pour mener à bien cette campagne de lutte. Justement, à propos de ces produits, il dira qu'ils sont inoffensifs pour les rats, «car en tuant ces rongeurs, les équipes qui avaient opéré à Kehaïlia ont poussé la puce, vecteur de la maladie, à se rabattre sur l'homme d'où l'apparition de nouveaux cas après la levée de la quarantaine». Alors que nous quittions la wilaya de Mascara, des habitants nous ont affirmé l'apparition d'un cas à El-Gaâda, non loin de la ville de Sig. Un jeune homme, âgé de 27 ans, a été admis mercredi au service des maladies infectieuses de l'hôpital d'Oran où il subit des analyses. «Il présente les symptômes de la peste bubonique, mais pour affirmer qu'il en est atteint, il vaut mieux attendre les résultats des analyses», nous dira un médecin du secteur sanitaire de Sig.