«La civilisation n´est pas un entassement, mais une construction, une architecture.» Malek Bennabi La construction d´un grand ensemble politico-économique pérenne n´est pas une mince affaire: il a fallu des guerres, des tiraillements sans fin et des crises incessantes pour que des confédérations se réalisent. Ce n´est pas pour autant que cela soit considéré comme un acquis puisque la construction artificielle de ces Etats est une lutte entre intérêts hégémoniques des grands groupes financiers et les tendances fractionnistes de particularismes locaux. C´est le difficile équilibre entre ces deux mouvements contradictoires avec quelquefois, une dose de répression qui assure une existence à ces grands ensembles. La communauté des valeurs culturelles est une condition qui peut aider à la volonté politique. Mais les intérêts géostratégiques peuvent constituer un frein non négligeable à cette construction. C´est peut-être le cas de l´Europe qui, avec une trentaine de langues et des frontières héritées lors d´une histoire tumultueuse, connaît les multiples obstacles qui surgissent sur le long chemin d´une unification tant attendue. Les premiers obstacles sont politiques: les gouvernements tardent à trouver une position commune face aux choix qui se posent à eux. Diverses crises émaillent ce parcours sinueux: - 30 août 1954: le projet de Communauté européenne de défense (CED) échoue, la France ne ratifiant pas le traité signé en mai 1952. C´est la première crise européenne. Il faudra attendre les années 1990 pour voir l´amorce d´une politique extérieure de sécurité et de défense. - 14 janvier 1963: le général de Gaulle met son veto à l´adhésion du Royaume-Uni. Il le répètera le 27 novembre 1967 et le Royaume-Uni n´adhèrera qu´en 1973. Le général de Gaulle reprochait au Royaume-Uni d´être plus atlantiste qu´européaniste. D´autres nations nouvellement intégrées à l´Union européenne, comme la Pologne, souffriront de ce complexe atlantiste et préféreront le parapluie américain. Les atermoiements des principaux Etats de l´Union durant la crise yougoslave trahissent le poids de l´histoire sur les différents Etats. - Décembre 2000: les Quinze se retrouvent à Nice pour prévoir le fonctionnement des institutions européennes après l´élargissement à 25, le 1er mai 2004. Ils ne parviennent qu´à un accord a minima. - 8 juin 2001: les Irlandais rejettent à 54% le Traité de Nice. Ils finiront par l´adopter en octobre 2002 lors d´un deuxième référendum après avoir obtenu une garantie explicite sur le maintien de la neutralité militaire du pays. - Début 2003: division de l´Europe sur la crise irakienne. Alors que l´Allemagne et la France s´opposent à une intervention militaire américaine en Irak, les dirigeants de huit pays (Royaume-Uni, Espagne, Italie, Portugal, Danemark, Pologne, Répub-lique tchèque, Hongrie) signent une lettre de soutien aux Etats-Unis, bientôt suivis par d´autres pays d´Europe de l´Est. - 29 mai 2005: après neuf ratifications sans heurts, la France rejette le projet de Constitution européenne. Le 1er juin, les Néerlandais font de même. -Le projet de Sarkozy de créer l´UPM jette un froid dans les relations germano-françaises. D´autres éléments de crise ont une origine purement économique: - 1er juillet 1965: la France provoque la crise de la chaise vide après un affrontement autour du financement de la Politique agricole commune (PAC). Pendant sept mois, la France refusera de siéger dans les instances communautaires. - 30 novembre 1979: le Premier ministre britannique, Margaret Thatcher, insiste pour obtenir un rabais de la contribution britannique au budget européen. - 2 juin 1992: le Traité de Maastricht est rejeté par référendum par les Danois. - 17 septembre 1992: tempête monétaire, la Grande-Bretagne et l´Italie suspendent leur participation au Système monétaire européen (SME). Des considérations de politique intérieure écornent les accords Schengen: expulsion des Roms par les autorités françaises et non-reconnaissance du permis de circuler délivré par l´Italie aux réfugiés africains. L´attitude à adopter face aux OGM est un autre point important. Des mesures sanitaires ébranlent la politique agricole commune et font ressortir les vieux réflexes protectionnistes: la crise de la vache folle et l´avènement de cette bactérie tueuse découverte au détour d´une cucurbitacée. Cependant, l´Union européenne, contrairement aux pays du sud de la Méditerranée, a des ressources infinies pour surmonter cette crise.