«Quand les dieux veulent nous punir, ils exaucent nos prières.» Oscar Wilde Après plusieurs mois de débat et de controverse, le ministère de la Culture vient d´accorder le visa d´exploitation du film de Xavier Beauvois Des Hommes et des Dieux à un distributeur algérien. Le film sera donc bientôt présenté en avant-première à Alger. Cette nouvelle intervient alors qu´il y a quelques mois, le film avait relancé la polémique sur «le qui-tue-qui» et l´affaire de l´assassinat des moines de Tibhirine, qui était encore en instruction à la justice française, allant même jusqu´à perturber les relations entre Alger et Paris. Mais le film avait constitué surtout une bataille culturelle, dépassant le cadre cinématographique entre le film de Xavier Beauvois et le film de Rachid Bouchareb Hors-la-loi. Les deux films étaient en compétition à Cannes en 2010. Des Hommes et des Dieux a gagné la bataille en France en remportant un grand prix à Cannes et attirant plus de 3,9 millions de croyants dans les salles. Mais en revanche, le film français a perdu la bataille américaine à Hollywood, doublé par le film de Rachid Bouchareb Hors-la- loi, qui, même s´il est financé majoritairement par la France, a représenté l´Algérie aux Oscars. Le réalisateur algérien a pris sa revanche sur son concurrent français et, décroché trois projets cinématographiques aux States. Entre-temps, de l´eau a coulé sous les ponts. L´Algérie, qui n´a tenu rancune contre le film ni à son producteur, a accepté d´accorder le visa d´exploitation du film dans un pays où l´exploitation cinématographique n´existe pas. Avec ses 3,9 millions de spectateurs en France en 2011, le film Des Hommes et des Dieux n´est pas près de rééditer cet exploit en Algérie. Pis encore, le DVD du film est déjà en vente en Algérie depuis plus de quatre mois, remportant un certains succès dans les bacs. Il faut dire que l´histoire du film est tout un symbole. Tout a commencé au Festival de Cannes, en 2006. Un producteur français, Etienne Comar, n´arrive pas à dormir. Il vient de perdre son père et pense arrêter son métier. Il allume la télévision et tombe sur Le Testament de Tibhirine, documentaire d´Emmanuel Audrain sur la disparition des moines. Il décide d´écrire un scénario. Il se documente, s´inspire même de la série Lost. La première version du script est composée de flash-back dévoilant le passé de chaque moine. Pour la mettre en images, il pense immédiatement à Xavier Beauvois. Celui-ci était intéressé, mais il avait des réserves sur l´aspect religieux du scénario. Il supprime tout recours à la fiction et se rapproche de la réalité. Les deux hommes planchent sur un nouveau scénario pendant six mois. Et pour éviter les erreurs qui touchent à la religion, Etienne Comar prend contact avec Henry Quinson, trader devenu moine, proche de quatre des frères assassinés et traducteur du livre de l´Américain John Kiser, Passion pour l´Algérie. Un mois avant de recevoir le mail d´Etienne Comar, le 7 avril 2009, Henry Quinson proposait, sans succès, à la maison de production Pathé d´écrire un scénario autour de ce drame. Initialement confiée à Jacques Perrin, la production change de main. Pascal Caucheteux, qui a financé les trois films précédents de Beauvois, reprend le flambeau fin mai 2009. Le budget 3,9 millions d´euros sera réuni rapidement: France 3, Canal +, l´avance sur recettes... Contre toute attente, le projet rencontre une adhésion immédiate. Le reste on le connaît. Aujourd´hui, la prière est exaucée, le film se retrouve invité à une présentation en Algerie, terre d´adoption des moines de Tibhirine. [email protected]