Sur les 100 sinistrés du bâtiment 10, de Réghaïa, seulement cinq ont accepté de rejoindre leur nouvel appartement. Colère, consternation et indignation, telle est l'atmosphère qui règne au niveau des camps de toile de Réghaïa. Les sinistrés, notamment ceux du bâtiment 10, refusent de regagner leur nouveau logement. Ils ont fait échouer deux tentatives de relogement, ce week-end, en protestant contre les sites choisis par la commission concernée. Selon les délégués du camp, qui regroupe près de cent familles, «des responsables au niveau de l'APC de Réghaïa nous ont promis d'être relogés à Dar El-Beïda, or et à notre grande surprise, le wali délégué nous apprend, à quelques heures seulement du début de l'opération, que trois sites sont programmés, ils s'agit de Tassala El-Mardja, Chéraga et Birtouta». Les familles, selon notre interlocuteur, n'avaient même pas été concertées. «Jeudi à 18h, des camions et une délégation de l'APC sont arrivés sur les lieux. Le directeur de relogement a demandé aux familles d'évacuer les lieux, sans leur donner le moindre détail», nous apprend un sinistré, un autre l'interrompt: «Ils nous prennent pour du bétail?» Malgré ce changement «de dernière minute», une délégation représentant les survivants du bâtiment 10 s'est déplacée sur les sites désignés. Le constat nous dit-on «était catastrophique». «Nous avons survécu au séisme, ils veulent nous envoyer dans le fief du terrorisme», s'écrie Mourad, lequel met en exergue l'isolement du site de Tassala El-Mardja. «J'ai vécu toute ma vie à Réghaïa, comment voulez-vous que je quitte cette ville», ajoute un autre. En plus de l'éloignement, les familles contestent l'exiguïté des logements: «Nous refusons d'être recasés dans des F2 alors que nous étions propriétaires de F4 et F5 en plus, ces bâtisses ne disposent d'aucune commodité. Dans l'immeuble, il n'existe qu'un seul sanitaire.» Cette colère a failli dégénérer, vendredi, après les affrontements qui ont eu lieu ente les insurgés de Réghaïa, qui ont barricadé la route menant vers le camp pour y interdire l'accès aux officiels, et les CNS qui ont procédé à des tirs de bombes lacrymogènes, blessant des dizaines de jeunes. «Ils ont amené des renforts d'Alger pour tabasser des jeunes qui réclamaient leur droit, c'est navrant». «Ecrivez dans le journal que nous refusons d'être qualifiés de sinistrés, nous sommes des orphelins, nous voulons continuer convenablement notre vie, est-ce trop demandé?» L'irritation a atteint son paroxysme, la situation devient incontrôlable dans ce camp, et les «orphelins» du bâtiment 10 ne comptent pas baisser les bras. «Si nous quittons ce site, ça sera pour les 100 logements de Dar El-Beïda, aucune autre destination ne sera acceptée», déclare un délégué. Les familles sont indignées par l'information lancée par une chaîne de radio nationale, faisant état de relogement de près de 127 familles de Réghaïa. «C'est de l'intox destinée à la consommation locale à la veille du 5 Juillet», explique un septuagénaire. Contacté par nos soins, le wali délégué de Rouiba, M.Mohamed Seghir Benlahreche, nous a affirmé qu'il n'a été, à aucun moment, prévu de reloger les sinistrés de Réghaïa au niveau du site de Dar El-Beida. «L'opération de relogement est une aide de l'Etat consentie au profit des sinistrés en fonction du parc de logements disponibles, or il se trouve que nous ne disposons d'aucun logement à Dar El-Beïda», précise-t-il, en qualifiant l'information «de simple rumeur». Pour notre interlocuteur, la réaction des sinistrés constitue en soi «une insulte aux habitants de Tassala El-Mardja et Chéraga». Le directeur du logement rejoint l'avis de M.Benlahreche, en estimant que les bâtiments dont font allusion les sinistrés sont des logements Cnep. «Nous n'avons aucun droit de sanctionner des personnes.» Quel sera le sort des sinistrés qui refusent de quitter le camp? Le wali délégué de Rouiba explique: «Nous ne pouvons donner que ce que nous avons», avant de conclure: «Ils devront dans ce cas-là patienter. Peut-être que d'autres sites plus proches de Rouiba seront disponibles».