Ils sont plus de 400.000 en quatre ans à avoir répondu au chant des sirènes. Amorcée à la fin des années 1970, l'émigration des scientifiques algériens a pris une ampleur telle que l'Algérie est aujourd'hui considérée comme un réservoir d'élites à la disposition des pays développés ou seulement émergents, capables de mettre à leur disposition les conditions de travail requises. Mais qu'est-ce qui a poussé ces cerveaux, formés à grands frais par les universités algériennes et dont l'économie nationale en pleine mutation est censée avoir grand besoin, à quitter leur pays? Le constat laisse voir que parmi les scientifiques envoyés à l'étranger ne reviennent au pays que ceux qui n'ont pu s'intégrer professionnellement et socialement aux conditions du pays d'accueil et quelques-uns, parmi ceux qui étaient déjà bien installés en Algérie avec travail, logement et famille. Ces raisons, au demeurant rationnelles, ne sont pas les seules. Le nombre de hauts diplômés ayant émigré est tel qu'on peut actuellement parler d'une «communauté de scientifiques algériens installée à l'étranger» à l'instar de certains pays d'Europe de l'Est, de l'Inde et du Liban, avec comme pays de prédilection la France, la Grande-Bretagne, le Canada et les Etats-Unis d'Amérique. Pour connaître les causes exactes de cet état de fait, le défunt Djilali Liabes, alors ministre de l'Enseignement supérieur, avait chargé une équipe de cerner les motifs. Le rapport fut malheureusement enterré en même temps que son initiateur qui succomba sous les balles du terrorisme intégriste. Les conclusions auxquelles l'étude a abouti demeurent d'actualité, même si les années de violence ont accentué l'ampleur. En outre, la principale raison de la fuite des cerveaux dont pâtit l'Algérie réside moins dans les conditions matérielles que dans les conditions humaines de travail et au sort réservé à la recherche et aux chercheurs. La dégradation du cadre de vie, l'oisiveté causée par l'absence de moyens et de programmes de recherche, la corruption, la bureaucratie et les passe-droits qui affectent le milieu universitaire sont autant de facteurs qui les incitent chaque jour au départ, sans espoir de retour. Il faudra ajouter la faiblesse du niveau technologique et les difficultés d'accès à l'information. Conscient de cette déperdition qui nuit à l'économie nationale, le Conseil de gouvernement, sous la présidence d'Ahmed Ouyahia, a avalisé un projet de décret présidentiel, portant organisation et gestion de la formation et du perfectionnement à l'étranger. Elaborées sur la base d'une évaluation précise des mécanismes en vigueur, les nouvelles dispositions introduisent une plus grande flexibilité et une meilleure cohérence dans l'organisation, la gestion et le suivi de la formation et du perfectionnement à l'étranger. Ce nouveau dispositif permettra de répondre aux besoins quantitatifs et qualitatifs du pays dans le domaine de la recherche scientifique. En outre, il a été décidé un assouplissement dans la conduite des opérations de formation et de perfectionnement à l'étranger. Pour ce faire, le Conseil des ministres s'est résolu à responsabiliser le secteur directement concerné par ces programmes, afin de réduire les déperditions enregistrées au cours et à la fin de la formation en améliorant et renforçant le suivi pédagogique. II s'agit avant tout de définir les besoins en expertise des secteurs d'activité, afin de mieux identifier la demande et cibler le profil de compétence recherché. D'ailleurs, le Conseil des ministres a décidé de ne plus accorder de bourses d'études que cela a un intérêt pour le pays. Ces mesures font suite aux dernières recommandations émanant du groupe de travail initié par le ministre délégué auprès du gouvernement, chargé de la Communauté nationale à l'étranger, Mme Fatma-Zohra Bouchemla, en avril dernier à l'hôtel El-Aurassi. Côté politique, ces mesures sont une réponse à la stratégie du Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, pour renforcer l'attractivité de la France aux investisseurs et scientifiques étrangers. En effet, M.Raffarin a annoncé qu'il avait demandé au ministre des Finances, Francis Mer de proposer des mesures fiscales et sociales pour «rapprocher le statut du cadre impatrié de celui de nos expatriés». Le Premier ministre a souhaité également que ses ministres planchent pour attirer les meilleurs chercheurs mondiaux en alignant leur rémunération sur les standards internationaux, simplifier le droit et renforcer la sécurité juridique pour les entreprises étrangères.