Mounès Khemmar dirigeant son comédien dans son film «Le Dernier Passager» Dimanche dernier a été une journée des plus riches, en programmation et émotion, dévoilant ainsi la couleur de ce que va être cette manifestation jusqu'à la fin de la semaine. Tourné l´an dernier, en partie, en ces même lieux à Béjaïa, le documentaire de Mounia Meddour, fille du célèbre réalisateur de la Montagne de Baya, Azzedine Meddour, brosse dans Cinéma algérien, un nouveau souffle le tableau de cette force vivante qui prépare le cinéma algérien de demain. Un cinéma, qui tend à construire son propre regard au présent en se forgeant surtout sa propre expérience dans une sorte d´urgence du moment comme l´est cette littérature post-terrorisme. Pour ce faire, Mounia Meddour choisira d´emblée, de faire appel à un échantillon de jeunes cinéastes les plus connus sur la place d´Alger et du moins qui parviennent grâce à leur films, à voyager et confronter leur regard à celui de l´autre lors des différents festivals dans le monde. Mais cela suffit-il pour parler de cinéma algérien quand ces jeunes sont méconnus par leur propre public en Algérie? C´est ce que semble pourtant penser le critique de cinéma Samir Ardjoum. Entre regard négatif et autre positif, la force est dans la dynamique de cette fabrication d´un cinéma «local» qui s´affirme de plus en plus, aujourd´hui, en passant du stade d´amateur à celui de professionnel. Mounia Meddour fera ainsi appel à une certaine sélection qui est loin d´être exhaustive pour parler de ce «nouveau cinéma algérien». Un titre bien audacieux au vu de la situation cinématographique en Algérie qui tâtonne à pas de chameau. Et c´est le réalisateur et producteur Mounès Khemmar qui ouvre cette longue liste de cinéastes algériens qui tentent de gagner une certaine légitimité et par extension, de la visibilité là où l´image de nous-mêmes vient à nous manquer cruellement. Mounia Meddour choisit sciemment, d´alterner les témoignage par des extraits de films courts dont les auteurs présents dans le film dénouent le fil complexe de la situation sociopolitique du pays et partant, de la velléité créatrice de nos artistes et de leur degré de motivation, aspirations et rêves... L´urgence de «faire pour la postérité» se positionne, en effet, clairement chez Mounès Khemar et Khaled Benaïssa, auteur de Sektou notamment. D´autres images viennent compléter le tableau tel Garagouz, le film de Abdenour Zahzah et Khouya de Yanis Koussim. D´autres cinéastes plus confirmés dirions-nous, à l´instar de Bachir Derraïs et Belkacem Hadjadj sont là pour rappeler combien il est difficile de faire des films et de souligner la notion de «résistance» de ces cinéastes de la dernière chance presque. Ahmed Bedjaoui, Monsieur cinéma et néanmoins président du Fdatic qualifiera ces jeunes qui font du cinéma, de «Condor qui renaît de ses cendres». D´autres cinéastes vivant en France, comme Lyès Salem et Malek Bensmaïl témoigneront de leur difficulté de tourner en Algérie et leur désir d´exprimer des choses par l´image. Si pour l´un, c´est sans contexte sa part d´algérianité, pour l´autre, c´est surtout cette partie «aliénée» de nous qui est souvent reléguée aux oubliettes en somme, cette mémoire collective non écrite qui risque de se perdre. Bien qu´intéressant, ce film nous laisse un peu sur notre faim. Ce parti pris de la réalisatrice de mettre en avant certains réalisateurs au détriment d´autres, peut paraître radical de facto d´autant qu´il jette un certain déséquilibre au niveau même du regard porté sur le cinéma d´aujourd´hui où un fossé immense est souligné entre l´ancienne et la nouvelle génération que l´on ne perçoit pas beaucoup. «D´où on vient?». s´interroge effectivement la scénariste Sofia Djama dans le film, sachant que cette passation du savoir s´est vue longuement interrompue durant la tragédie nationale. De nombreux réalisateurs ont dû fuir le pays pour sauver leur peau. Une cassure s´est faite immanquablement. Mais une génération de cinéastes est née presque ex nihilo et tente aujourd´hui, de faire du cinéma, une partie aidée par l´Etat, tandis qu´une autre continue à «mijoter» dans le silence et les arcanes du système D. S´adapter et se fondre dans le décor afin d´affirmer son identité au sein de la nébuleuse cinématographique n´est pas si évident et pourtant certains parviennent à avoir gain de cause et réussissent à se frayer un chemin vers cette étoile qu´on appelle le succès. On a tendance à dire que ce sont toujours les mêmes. Vrais ou faux? Si le sujet semble important et paradoxalement rébarbatif, il pèche aussi par un manque de «nuance» dans sa présentation. Définir ce qu´est le nouveau cinéma algérien reste en lui-même un exercice fort périlleux, fort complexe aussi bien que l´est l´acte d´écrire ou de faire un film. Une difficulté d´être artiste tout court en Algérie, bien rendu dans le film de Mounès Khemmar, Le dernier passager. Outre le cinéma, Mounia Meddour part au siège de l´association SOS Bab El Oued et filme une jeune chanteuse dans une salle de répétitions. De la musique comme moment d´aération selon la réalisatrice qui, de notre point de vue, semble plutôt vouloir exprimer le bouleversement socioculturel du pays qui est passé des années de terreur aux années de douceur factice où une certaine normalité s´est installée. La journée de dimanche dernier, nous l´avons dit, a été bien riche. Le programme comprenait aussi la projection de courts maghrébins en soirée mais aussi d´un film tunisien des plus ambigus, la journée, Li-La du Tunisien Mehdi Hmili. Une histoire d´amour, en noir et blanc à quatre têtes. Un film d´abord, personnel qui a permis au réalisateur de régler ses comptes avec son couple et partant, de faire un film esthétiquement bien recherché avec des notes d´influences que l´on peut retrouver chez Artaud, Eustache ou Godard. Après la réflexion et la torture intellectuelles, l´engagement auprès des immigrés subsahariens dans le film Afric Hôtel de Nabil Djedounai et Hassan Ferhani et enfin de l´humour décalé dans deux documentaires. L´un de Rebeca Houzel qui a suivi une famille d´immigrés dans les préparatifs d´un mariage au «bled» (celui d´un proche de sa famille) et le second de Vanessa Rousselot qui s´est immergée pendant un an en Palestine afin d´apprendre l´arabe avant d´entamer le tournage de son film Blague à part. Un sujet forcément décalé dans le contexte dramatique que connaît le Proche-Orient. Truculent finalement car, au-delà de sa légèreté, des vérités sont dévoilées indirectement sur la situation du peuple palestinien. «Mieux vaut en rire qu´en pleurer» dit l´adage. Une expression qui s´applique parfaitement à ce film intime comme l´est le précédent.