Incivilités, inconscience, poches de grande pauvreté et inconséquences du discours officiel, l'Algérie n'est pas encore sortie du cercle vicieux des misères. Par défaut d'hygiène, de mauvais comportements civiques en plus de la misère sociale ambiante, l'Algérie est devenue, du moins pour certaines régions, une source potentielle de maladies, certes graves, mais «éradiquables», pour peu que des mesures préventives soient efficaces. D'une manière récurrente, l'été algérien est accompagné de maladies à transmission hydrique (MTH). De temps à autre, d'autres affections, éradiquées en Algérie dans les années 1970, réapparaissent, tels la tuberculose ou autres typhus. Rappel: le 4 juin dernier, la peste bubonique fait son apparition en Algérie pour la première fois, depuis l'indépendance. Dix personnes, en effet, sont atteintes par la peste et ont été admises au service des maladies infectieuses du CHU d'Oran. La première victime, un enfant de 11 ans, qui a été hospitalisé à 16h (le 4 juin) au service des maladies infectieuses décède trois heures après. Mais ce n'est que le 19 juin que l'opinion publique prendra connaissance de ce cas, faute d'analyses. Le deuxième cas a été signalé le 14 juin, suivi de huit autres cas signalés cinq jours après. Sur les dix personnes admises au CHU d'Oran, neuf sont originaires de la localité de Kehaïlia, relevant de la commune de Tafraoui (sud-ouest d'Oran). La bourgade, démunie de tout, est placée sous quarantaine. Le ministère de Santé rassure, néanmoins, en ajoutant que la peste bubonique est considérée moins dangereuse que la peste septicémique ou pulmonaire. Le 18 juin, 400 cas de gale, 300 de diarrhée, 267 de conjonctivite, et 150 cas d'intoxication alimentaire ont été signalés dans les camps de toile de Boumerdès installés suite au séisme du 21 mai dernier. Les risques d'épidémies étaient, alors, jugés «élevés» par les autorités sanitaires. Le 21 juin, le ministère de la Santé rassure encore une fois la population. Lors de l'ouverture des travaux de la rencontre d'évaluation des résultats préliminaires de l'enquête sur les besoins sanitaires des sinistrés du séisme du 21 mai, à l'Ecole nationale de la santé publique, il a été établi à la suite de cette enquête de 15 jours, que la situation des occupants des 19167 tentes des 185 centres d'accueil, est plus que rassurante. Surprise! Le lendemain, soit le 22 juin, à plus de 500 kilomètres à l'Est, cinq cas de typhoïde ont été signalés à Constantine. La seule «bonne nouvelle», annoncent les autorités sanitaires locales, est que ces patients viennent de localités distinctes, ce qui suppose l'absence de contamination collective. Le 23 juin, un autre cas de malade atteint par la peste bubonique est signalé à Oran, il s'agit d'un agriculteur, originaire, encore une fois, d'El Kehaïlia où neuf autres cas, étaient toujours en hospitalisation au CHU d'Oran. Le 25 juin, le wali d'Oran déclare «la situation sanitaire maîtrisée» à Kehaïlia, seul foyer en effet de la peste bubonique, ajoutant au passage que les causes de cette épidémie restent toujours inconnues. Or, le 29 juin, à 70 km à l'ouest d'Oran, une autre personne atteinte de la peste est signalée à Aïn-Témouchent. Le lendemain, pourtant, le ministre de la Santé, récidive, et déclare, derechef: «La situation est maîtrisée et toutes les mesures préventives ont été prises pour éviter la propagation de la peste bubonique dans la région de l'Ouest», lors d'un point de presse, organisé en marge d'un regroupement de huit walis de l'ouest, à cet effet. Démenti, le 1er juillet, un nouveau cas de peste à Oran (une fillette de trois ans) de Kehaïlia et deux autres cas à Mascara (dont un bébé de 18 mois), de la localité de Zahana, ont été signalés. Le bilan s'élevait, à cette date, à 15 cas dont une victime, un enfant de 11 ans. Parallèlement (le 1er juillet) une délégation de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est arrivée à Oran. Et pour boucler la boucle, deux cas de typhus, dits «probables», auraient été signalés à Chlef. L'année 2003 reste, à ce rythme, désormais, l'année de toutes les catastrophes.