Mustapha Boudina évoque le cas de ces héros martyrs qui ont été conduits à l'échafaud parce qu'ils ont bravé l'ordre colonial. «Dans cet espace lugubre, s´affrontent la vie et la mort; la vie m´occupe, me stimule et repousse ma mort, j´ai peur de la guillotine qui va abîmer mon corps. Elle va couper ma tête et la séparer de mon corps». Ces vers puisés d´un poème qu´il a composé et consacré au couloir de la mort de «Fort Mont Luc de Lyon», expriment toute la souffrance et la détresse qu´éprouve un condamné à mort dans l´attente d´être guillotiné. Mustapha Boudina est le président de l´Association nationale des condamnés à mort 1954-1962. Intervenant à l´occasion d´une conférence organisée, samedi, au siège du quotidien El Moudjahid en hommage aux 22 militants de la cause nationale emprisonnés puis exécutés dans les prisons françaises, ce rescapé du couloir de la mort revient sur cette époque tragique et sur la prison de Fort Mont Luc de Lyon devenue «de jour, une école de la vie et de nuit, une école qui prépare les héros à mourir pour la patrie». Le verbe facile, la mémoire toujours intacte, avec forces détails, Mustapha Boudina évoque le cas de ces héros martyrs qui ont été conduits à l´échafaud parce qu´ils ont bravé l´ordre colonial. «La plupart sont morts à la fleur de l´âge, dit-il mais leur courage n´a d´égal que la profondeur de leurs sentiments patriotiques et la force de leurs convictions.» Malgré les pires sévices qu´on leur a fait subir, ils sont restés dignes et ont refusé de «donner leurs camarades». Certains ont ému les plus grands dirigeants politiques de l´époque, qui sont intervenus, en vain, en leur faveur afin de leur éviter la guillotine. «Abderrahmane Khelifi m´a beaucoup marqué. Il a été condamné à mort alors qu´il n´avait que 19 ans. Son cas a ému le monde entier, même les présidents Nikita Khrouchtchev, la reine d´Angleterre et le pape ont intervenu en sa faveur, mais le général de Gaulle a refusé en ordonnant à la justice de suivre son cours». S´adressant à la forte assistance composée d´anciens condamnés à mort des prisons de «Fort Mont Luc», de «La Santé» et «des Beaumettes», de cadres de la direction générale de la Sûreté nationale et d´associations représentant la société civile, Mustapha Boudina évoque aussi le cas de Miloud Bougandoura accusé de quinze meurtres, qui est mort en héros en refusant de fumer la cigarette que lui avait proposée son bourreau, «Miloud a été courageux jusqu´au bout. Avant de mourir, il s´est adressé à l´imam qui lui demndait de ne pas oublier la chahada, pourquoi lui, un musulman était au service de l´administration coloniale et de l´injustice». Une remarque qui a produit son effet, puisque, indique le président de l´Association nationale des condamnés à mort, l´imam en question qui aurait été pris de remords, avait décidé, depuis, de prendre ses distances en démissionnant de son poste. Mustapha Boudina parle aussi du bourreau Obrecht qui a empêché Makhlouf de s´incliner à la mémoire de Miloud Bougandoura. «Makhlouf était armé d´un courage hors du commun. L´administration de la prison l´avait amené au pied de échafaud pour assister à l´exécution de Miloud Bougandoura avant sa propre exécution. Après la sentence, il a essayé d´embrasser la tête du supplicié mais il en a été empêché». Profitant de cette journée commémorative, Mustapha Boudina a tenu à rétablir dans son droit un autre condamné à mort resté anonyme, alors qu´il avait été guillotiné à la même heure que Ahmed Zabana. «Zabana et Ferradj ont été condamnés à mort le 19 juin 1956. Je veux rétablir cette injustice consistant à ne parler que de Ahmed Zabana». Le réseau Jeanson est aussi mis en valeur. Grâce à lui, des centaines de militants ont été aidés et secourus durant la guerre de Libération nationale. «Le réseau a été d´un grand apport à la Révolution algérienne. De nombreux militants ont pu être acheminés vers la Tunisie grâce à des relais», poursuivit Mustpaha Boudina qui ajoute que «même Brigitte Bardot, la plus grande star du cinéma à l´époque, a aidé l´Algérie en cachant et secourant des militants».