«Vivre, c´est bien. Savoir vivre, c´est mieux. Survivre, c´est sans doute le problème des hommes de demain.» Roger Molinie Ce serait inutile de rentrer dans les considérations politiciennes et de chercher à savoir si la subvention allouée par une institution étrangère à l´APW de Tizi Ouzou à des fins écologiques, a été enfin débloquée par une administration sourcilleuse par rapport aux questions d´indépendance, de fierté nationale et surtout des tâches de contrôle qui lui sont dévolues. Il serait vain d´aller chercher les tenants et les aboutissants de ce blocage car la réponse ne saurait se trouver ni dans les textes législatifs, ni dans les déclarations publiques d´hommes politiques pris en défaut de non-assistance à pays en danger, mais dans les circonvolutions de cerveaux formés par des décennies de turpitudes et d´hypocrisie. On souhaite simplement que l´enquête faite par des journalistes sérieux sur la catastrophe écologique vécue par une région où les collectivités locales, déjà dépourvues de moyens matériels et financiers pour faire face aux défis que leur pose la gestion du quotidien et dont les compétences sont amoindries par des réformes jacobines, soit lue avec la même attention que celle déployée ailleurs... Pas moins de mille trois cents décharges sauvages sont dénombrées à travers un territoire livré à un laisser-aller flagrant. Il n´est pas rare de trouver au détour d´une route bitumée, sur un terrain en pente donnant sur un ravin sombre, des corbeaux se nourissant allègrement dans une décharge qui occupe une partie du bord de la route avant d´aller, gravitation oblige, finir sa course dans le ravin. J´avais remarqué depuis longtemps, quand la consommation des pauvres villageois était faite de choses recyclables dans la nature, les décharges n´occupaient pas une place aussi importante qu´aujourd´hui: aux confins du village, sur une terre inculte, les villageois venaient jeter les maigres déchets qui seront lavés et charriés par les premières pluies. S´agissant des carcasses d´animaux morts, elles étaient traînées jusqu´à la montagne où les différents charognards, chacals, vautours, corbeaux et hyènes auront vite fait de débarrasser l´environnement de ces restes mortels. Les corbeaux, d´ailleurs, sont les volatiles les plus familiers: ils quittent le matin leurs nids situés dans les crêtes rocheuses et s´en vont ratisser la plaine toute la journée. C´était au temps où la consommation des ménages était réduite au strict minimum. Les premières décharges sauvages furent celles créées par l´armée française qui jetait les déchets des garnisons dans les mêmes conditions que la population autochtone. Mais ces décharges étaient très importantes à cause de la grosse logistique dont bénéficiait l´armée d´occupation. Actuellement, hélas, il n´y a pas que les coins perdus au-dessus des ravins qui servent de dépotoirs mais aussi les cours des oueds. Le récent reportage de la chaîne Berbère Télévision sur la situation désastreuse que vivent les riverains de l´oued Sebaou a mis en évidence deux choses: l´anarchie qui règne dans la gestion des déchets et l´absence totale de l´Etat dans la gestion de cet environnement. L´oued qui a été longtemps la cible des pilleurs de sable, est devenu maintenant, une grande décharge, au grand dam des riverains dont le plus éloquent est sans doute le célèbre pépiniériste Amar Belkhis connu dans toute la région pour son sens civique et sa parfaite connaissance des arbres et de leur rôle social dans cette région où dominent le figuier et l´olivier. Il n´est pas rare de trouver au bord de l´oued dont l´eau sert à irriguer les cultures de maraîchages et d´arbres fruitiers, des abattoirs de volailles qui se signalent par leur odeur pestilentielle (comme c´est le cas à l´ex-ferme Roche, actuellement Thaboukert) Le célèbre pédagogue ne finit pas de dénoncer cette mort lente d´un oued qui fut jadis poissonneux et de s´élever contre le comportement honteux de ses concitoyens. Il aura quand même le plaisir de nous faire découvrir un petit coin de paradis sauvage entretenu par des jeunes qui n´ont que leur enthousiasme comme moyen: ils ont créé avec les moyens du bord un petit pôle touristique ignoré par les autorités compétentes. Le développement du tourisme, c´est aussi de l´écologie.