Le papa, victime de coups de la part de son rejeton, était remonté contre l'humanité entière! Et pourtant... le papa, ce papa.... Il y a des défenseurs des droits de l'homme qui refusent de défendre un inculpé de coups sur ascendants. «Jamais, au grand jamais, je ne lèverai le petit doigt pour sauver un garnement qui a battu sa mère ou son père», jure Maître Djamel Fodil, l'avocat des Bananiers. «Non, ça ne me dit rien de plaider contre un confrère inculpé-victime, oui et je le ferai avec toute ma vigueur renchérit l'autre Djamel, Maître Boulfrad, l'avocat de Blida. «Je ne vois aucun mal à défendre un terroriste. Il faut bien que cet oiseau soit à armes égales avec le parquet et les victimes», balance Maître Hadj Rachid Morsli qui avait, il y a une quinzaine d'années pourtant défendu les intérêts de victimes tombées sous les balles de tueurs sanguinaires qui écumaient la Mitidja entre autres. Pour revenir aux inculpés de coups sur ascendants, Maître Mohammed Djediat, l'avocat de Patrice Lumumba, avait pris la résolution de se constituer en faveur de Mourad G., un garnement de quarante sept ans, auteur de coups et blessures sur la noble et précieuse personne de papa. Et le papa, qui était venu signer et persister en poursuivant le rejeton auteur de gestes vils et condamnables, allait pousser Maître Djediat plus tard, à être plutôt virulent à son encontre que contre le sot-inculpé. En effet, Abbas G., le papa de soixante et un ans était venu remonté contre la Terre entière. Et lorsque le juge du siège lui avait demandé s'il avait un avocat, il a répondu effrontement: «Pourquoi un avocat? Je suis victime. Je n'ai pas besoin que l'on défende mes intérêts. Je saurai, le faire au moment opportun». Le tout dit sur un ton méprisant et l'avocat de Kamel dit Mourad allait transcrire sur un feuillet une remarque bonne à être brandie tout à l'heure. Le président de la section correctionnelle du tribunal, lui, allait presque s'excuser d'avoir posé cette question à propos de la présence d'un défenseur aux côtés de l'arrogante victime qui ne saura même pas redresser ses bévues dans l'éducation de son garnement-inculpé. Une victime qui pataugera longtemps dans la «mare» aux questions du tribunal et surtout celles et du procureur et du conseil de l'inculpé. «Que vous a donc fait votre fils?», articule le magistrat qui obtient un sec: «Il m'a bousculé et craché au visage!» «Que lui aviez-vous fait pour que ces graves gestes aient lieu?», insiste le juge qui allait avoir une réponse dont la moitié ira droit aux circonstances atténuantes: «J'ai exigé de lui qu'il prenne son épouse et quitte les lieux, car elle n'est pas de notre rang, nous qui mettons le hidjab, le voile et tout ce qui nous différencie de sa belle-famille». Le procureur intervient pour demander plus de clarté à propos de «nous qui mettons le hidjab, le voile...» La victime ricane et lâche comme pour narguer son fils: «Moi, j'ai ramené une femme sous le voile et à pied, pas dans un honteux cortège et de danses païennes!» Maître Djediat s'avance et tente d'obtenir un lever de brouillard pour ce qui est de la conduite de la belle-fille: «En onze ans de mariage, Yasmina a-t-elle eu un mauvais comportement avec vous, votre fils ou un quelconque membre de la famille?» Et le vieux Abbas au regard amer, vitreux de rétorquer qu'elle n'avait pas intérêt à déborder: «Ma défunte épouse, elle, l'avait adoptée. Moi, jamais je n'ai réussi à la gober, je ne peux la voir chez moi. Elle m'agace, elle...m'énerve. Et puis bon! Je ne l'aime pas... C'est bon, c'est bon. Ça suffit. Vous poursuivez votre fils, pas votre bru», tranche le président qui venait d'avoir une idée nette et précise au moins sur les sentiments avoués de la victime. Ce sera autour de l'avocat de Mourad G., de minimiser le malheureux geste de son client qui mérite des circonstances atténuantes. (le président fait la moue en guise de désaccord, avec ces stupides propositions). Maître Djediat, lui, avait précisé ses demandes: «Monsieur le président, les circonstances atténuantes méritent d'être à l'ordre du jour devant la haine viscérale du papa et surtout l'arrogance dont il a fait preuve durant tout le procès. Voilà, notre but!» Le juge remercie le conseil, prend acte du dernier mot de l'inculpé qui demande «pardon au papa, à la justice et à Allah.» Ces mots pèseront dans la mise en examen pour la semaine prochaine.