Scène du film palestinien Aisheen Une large palette de films de différents genres sont présentés depuis l'ouverture et ce jusqu'à demain. D'emblée, on peut dire que les histoires des deux films programmés en soirée finissent mal. Les organisateurs, à leur tête le cinéphile Salim Aggar, président de l'association «A nous les écrans» a sans doute préféré choisir des sujets qui collent bien à la réalité des pays arabes ou des sociétés musulmanes sans se départir de leur cachet réaliste fataliste y compris dans le cadre d'une fiction comme le long métrage. Le premier film diffusé après la série de documentaires (Algérie, images d'un combat portant sur la figure de René Vautier, de Jérome Laffont et Concerto pour deux mémoires oubliées de Menad Mebarek) nous vient de la Syrie. Il s'agit de Nicotine, premier long métrage du jeune réalisateur Mohamed Abdelaziz. Ce film de 97 mn a reçu trois prix au Festival de Barry en Italie. Il a également réalisé nombre de documentaires et un court métrage, Ombres de femmes oubliées. Damascus, avec mon amour est son second long métrage de fiction. Il est le premier à avoir réalisé des films indépendants des autorités du gouvernement syrien, trois décennies auparavant, après que le secteur privé eut cessé d'investir dans le cinéma. Ce film vaporeux, mais inquiétant qui s'apparente à un tableau semi-abstrait, narre plusieurs histoires personnelles, d'individus tous confrontés à des défis émotionnels et spirituels. Une jeune fille musulmane portant le nikab tombe amoureuse d'un jeune chrétien. Leur amour, au bout de deux ans, s'avère être impossible. Leur relation frise le surnaturel. Un chauffeur de taxi sous le poids du remords de l'assassinat de sa fille, tente à plusieurs reprises de se suicider. Un jeune garçon, cireur de chaussures et fumeur invétéré (pour se montrer homme), découvre l'autre sexe en fréquentant les salles de cinéma et une ancienne prostituée, un imam âgé perd la vue... Ce film sensoriel et haut en couleur, est semi-tragique où les gens meurent à petit feu. Le titre du film se révèle entre les doigts de ce jeune garçon qui dit aimer fumer car c'est la seule chose qui se consume entre ses mains. Cette cigarette est le symbole même de la triste situation de ces gens à la terne existence. La lassitude meuble leur vie. Une forte sensualité s'en dégage aussi. Le caché est plus suggestif que tout autre chose. Le réalisateur parvient encore une fois à nous le prouver à travers ces séquences d'une grande teneur romantique, même érotique par moment. Lui, le cireur de chaussures et poseur de vernis aux pieds des femmes, a une jeune amie qui aime les poissons et rêve d'être comédienne. Son père est projectionniste. Dans une salle de cinéma vide, la petite fille rêve d'incarner le rôle de la femme dominatrice à l'écran (Monica Bellucci). Ce film Nicotine sent le soufre mais aussi le parfum de la mansuétude et des sentiments amoureux. Tantôt amour physique ou platonique, le film accentue les tableaux par des clichés un peu trop symboliques comme la pomme ou le rouge à lèvre et vernis rouge ou encore d'autres séquences plus drôles, moins oppressantes, vivifiantes par moment. Mais la délivrance hélas, n'arrive pas. Car le film, bien enivrant, se veut presque une complainte monotone sur le désespoir et la résignation.. sans fin.. Dans un second registre, nettement plus sobre est le film Uzak Ihtimal du réalisateur turc Mahmut Fazil Coskun. Mussa déménage à Istanbul pour travailler comme muezzin dans une mosquée. Il rencontre Clara, une voisine catholique qui soigne une religieuse mourante. Le dialogue interreligieux L'ambiance chaude et bruyante des rues d'Istanbul contraste avec les intérieurs religieux, visités par Mussa et Clara qui sont froids et semi-obscurs. Leur rencontre est rapprochée par l'intervention d'un vieux monsieur qui s'avère être le père de Clara. Mais celle-ci, à la mort de la vieille dame dont elle s'occupait, décide de partir en Italie, abandonnant son amoureux inavoué à Istambul. Clara part sans apprendre que le vieux est son père. Un film qui nous laisse comme un goût d'inachevé. Le film plaide, comme l'a souligné le réalisateur en début de la projection, pour la rapprochement des religions et la tolérance entre les peuples. Il souligne ainsi, les comportements pas si étrangers l'un à l'autre de deux personnes pourtant de deux confessions différentes. Contrairement au premier film qui se voulait mystique, mais aussi érotique, ce dernier met en avant la religion comme moteur de l'humanité autour duquel se tisse la vie humaine, mais pas seulement. Le film syrien donne la part belle à l'esthétique et les symboles quant à ce dernier, nous prennent par la main, sans histoire, pour nous narrer une tranche de vie d'un couple avorté. Des destins quasiment amers cependant, dans les deux longs métrages où l'on sent le poids inconditionnel du «karma». des films où le silence pèse comme ces non-dits. Espérons que les prochains films seront plus drôles. Palestine ou l'éternel espoir La Cinémathèque algérienne a accueilli, dans l'après-midi de samedi dernier, une fois n'est pas coutume, une projection d'une série de courts métrages destinés aux enfants. Des films à caractère didactique qui peuvent être regardés finalement par les petits tout comme par les grands. Le premier est Penalty du célèbre réalisateur tunisen Nouri Bouzid. L'histoire est celle d'un enfant comme il y en tant dans le monde, qui rêve de faire partie d'un grand club de foot. Un soir, rentrant chez lui, le jeune garçon, Tarek, est puni par son père qui le prive de voir un match de l'Equipe nationale à la télévision. S'ensuivent des rencontres infortunes avec des jeunes dont le fameux comédien Lotfi Abdelli et des courses insolites à travers les routes avec des matelas, sur la plage... Des scènes touchantes émaillent ce film rehaussé d'une aura lumineuse de tendresse. Le réalisateur fait une brève apparition dans son film. De la naïveté, il en faut parfois, y compris dans le monde des adultes. Le second film projeté a trait directement au royaume du foot, plus précisément celui de Zinedine Zidane dont le jeune garçon Yazid est éperdument fan. Ce film parabole apprend aux enfants la sagesse de la patience pour atteindre ses objectifs et partant, le bonheur. L'auteur de ce film court de 26 minutes n'est autre que celui de L'Opium et le bâton ou encore Mostepha Benboulaïd, Ahmed Rachedi en l'occurence. Mazen et la fourmi du Libanais Borhane Aloui, met en scène un jeune garçon qui rencontre un jour, sur la route de l'école, une fourmi trainant un grain de blé avec difficulté. Il décide de l'aider en la transportant jusqu'à chez elle et arrive en retard à l'école. Si le surveillant veut le punir, le directeur décide après mûre réflexion, d'oublier cet incident en pensant à l'acte «humanitaire» accompli par le gosse. Enfin, le dernier film projeté est un documentaire consacré aux gens de petite taille. Signé Hala Mourad, ce film fait parler cette catégorie de gens, très nombreuse en Egypte mais pourtant marginalisée car maltraitée par les enfants et même par les adultes et faisant l'objet de mépris et de raillerie par la société. Bien pédagogiques ont été ces films qui n'ont pas laissé indifférents ces enfants venus à cette occasion à la cinémathèque et dont la présence fut également active. A saluer. Ces derniers, sur invitation de l'animateur de cet après-midi, répondaient aux questions tout en aidant à la compréhension des films. Le soir a été placé sous le signe de l'hommage à la Palestine à travers deux documentaires aux idées bien similaires. Que ce soit Aisheen (Chroniques de Ghaza) de Nicolas Wadimoff (Suisse/ Qatar) ou Ghaza live du palestinien Ashraf Masharawi, les films portaient le même message. Bien que les démarches soient un peu différentes, les deux films montrent une population en éternelle reconstruction et qui tend à vivre malgré tout car comme nous le disait si bien le réalisateur libanais «la guerre c'est aussi un état de paix». «Elle est où la cité des fantômes?» demande un enfant. C'est par ces mots que commence le film Aisheen. Cette cité, c'est Ghaza dévastée, au lendmeain de l'opération israélienne en février 2009. L'après-guerre est un calme qui plonge la population dans une sorte de bulle en attendant la prochaine guerre peut- être. Si certains pansent les blessures, d'autres vont à la mer, pèchent des poissons, d'autres font du rap pour crier leur désarroi. Une musique et un look pas toujours compris par la population. Mais les jeunes Palestiniens ont, comme dans le reste du monde, la soif de vivre et le chantent haut et fort dans leurs chansons hip-hop ou dans les spectacles de garagouz pour enfants. Des enfants pour la plupart traumatisés mais qui tendent à cicatriser leur blessures psychologiques par la musique ou le théâtre. C'est le cas dans le documentaire Ghaza live. Des tranches de vie sont déroulées à nos yeux. Des faits insolites sont ainsi racontés presque dans un style fiction imputant un contraste avec l'image meurtrière que nous avons de la ville de Ghaza. Un couple dont le mari est réalisateur fête ses 20 ans de mariage dans un restaurant huppé, un autre couple descend piqueniquer sur la plage. La vie continue semble nous faire comprendre le réalisateur. Mais les traces de la guerre ne sont pas loin. Elles sont éternelles et bien présentes dans la tête, le coeur et l'âme des Palestiniens. Le documentaire est en effet, réalisé par Ashraf Masharawi dont la maison familiale a été touchée par un missile israélien, coûtant la vie à deux enfants qui jouaient sur le toit de la maison. Un fil conducteur dans ce film est un photographe qui se plait à travers son objectif à capturer le réel dans son instantané mouvant de la vie, dans son quotidien du plus joyeux au plus dramatique. Mais les images montrées ont cette fonction idillique qui permet de faire entrer l'espoir dans le coeur des Palestiniens en dépit de tout. Exister n'est- ce pas déjà résister en Palestine?