Habré échappe à l'expulsion grâce à la mobilisation internationale La décision du Sénégal d'expulser l'ex-président tchadien vers son pays, a soulevé la réprobation de nombreux pays, de l'ONU et d'ONG des droits de l'Homme. Le président sénégalais Abdoulaye Wade a cédé aux pressions, dont celles de la Haute commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, en décidant de ne pas expulser vers N'Djamena l'ancien président tchadien Hissène Habré exilé au Sénégal depuis plus de 20 ans. Vendredi en fin d'après-midi, coup de théâtre: le gouvernement sénégalais confirme qu'il va expulser Hissène Habré le 11 juillet par un vol spécial, pour se conformer à une demande de l'Union africaine (UA) de «le juger ou l'extrader». 48 heures plus tard, dimanche en fin d'après-midi, revirement de situation: le même gouvernement, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Madické Niang, annonce qu'il «suspend l'expulsion» pour répondre à une demande de Navi Pillay, Haute commissaire de l'ONU aux droits de l'homme. Mme Pillay a émis des doutes sur une mesure qui risquait de constituer «une violation du droit international», puisqu'on renvoyait un homme dans son pays où il est accusé de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et torture, où il risque la mort et où il n'est pas garanti qu'il bénéficie d'un procès juste. D'autant qu'il a déjà été condamné à mort par contumace au Tchad pour ses crimes présumés qui ont fait des milliers de victimes, commis pendant qu'il exerçait le pouvoir de 1982 à 1990, année de son arrivée à Dakar. La Belgique, qui en vertu d'une loi sur la compétence universelle de sa justice, a demandé à juger Habré, ses avocats sénégalais et français, hyper actifs pendant ces dernières 48 heures, ses voisins du quartier de Ouakam à Dakar, ainsi que des organisations de défense des droits de l'homme, se sont également mobilisés contre cette mesure d'expulsion. Un des avocats d'Habré, François Serres, a dit «prendre acte» que le président Abdoulaye Wade, avocat de formation et président d'un pays considéré comme un exemple de démocratie en Afrique, «accepte de constater qu'il a violé une nouvelle fois le droit». Pour autant la défense d'Habré n'entend pas abandonner les procédures engagées devant les juridictions sénégalaises et africaines contre cette mesure d'expulsion, annoncée puis suspendue. Selon M. Serres, Hissène Habré était prêt à s'opposer à son expulsion par la force, jurant que s'il devait retourner au Tchad, ce serait «dans un cercueil». L'avocat américain Reed Brody, de Human Rights Watch, très en pointe dans la défense des familles des victimes d'Habré, s'est déclaré «heureux que le président Wade ait suspendu cette expulsion mal préparée». «L'extradition de Habré en Belgique est désormais la seule option pour s'assurer qu'il répondra des accusations contre lui lors d'un procès équitable», a-t-il affirmé. Le ministère belge des Affaires étrangères a annoncé hier qu'il comptait s'entretenir avec l'ambassadeur du Sénégal à Bruxelles pour réaffirmer sa volonté de voir M. Habré extradé en Belgique pour y être jugé. En annonçant la suspension de l'expulsion, Madické Niang a indiqué que des consultations allaient être engagées «immédiatement» avec la communauté internationale, dont l'UA, pour trouver une solution au cas Habré. Mais Dakar ne veut plus entendre parler de tribunal international spécial au Sénégal, comme exigé par l'UA. C'est une «solution inacceptable pour le Sénégal qui s'était engagé à faire juger Hissène Habré par ses propres juridictions et magistrats, et non par une nouvelle juridiction dont les fondements sont discutables», a-t-il avancé.