Le chef de l'Etat a répondu aux souhaits des délégués en les invitant à «la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur». Le suspense a enfin été levé. A partir de Sétif, wilaya en partie berbérophone, comme nous l'annoncions hier en exclusivité, le Président vient de faire tomber le dernier «préalable» du mouvement des ârchs en lançant officiellement aux délégués une invitation au dialogue. «Il y a deux mois, j'ai chargé le Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, de lancer un appel au dialogue destiné à dénouer cette situation qui pèse lourdement sur la population de la région», écrit le Président Bouteflika dans son appel. Celui-ci regrette que la situation soit demeurée inchangée en dépit de cet appel, alors que le principal préalable, celui de la libération des détenus, a été satisfait pleinement. Invités de notre rubrique «A coeur ouvert avec L'Expression», les deux délégués les plus en vue à Béjaïa et Bouira étaient unanimes à dire que l'ultime préalable avant d'aller vers tout dialogue devait être un appel, donc un engagement, du premier magistrat du pays. Ce dernier a satisfait cette demande, soulignant même au passage que l'invitation au dialogue ne concerne rien moins que «la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur». Cet appel, tombé suivant les propres revendications des animateurs du mouvement des ârchs, a toutes les chances d'aboutir, estiment à chaud les observateurs qui indiquent que la crise de Kabylie peut être dénouée avant la présidentielle, cela même si des cercles travaillent d'arrache-pied à faire capoter cette initiative, la plus importante qui ait jamais été entreprise depuis le début du printemps noir, en avril 2001. Le Président de la République a lancé cet appel en marge d'une visite qu'il effectue à Sétif où il a procédé à plusieurs inaugurations. Par-delà l'aspect protocolaire qui s'affiche à travers le programme, remis à la presse et aux autorités locales, les observateurs ne manquent pas de souligner le caractère essentiellement politique de cette virée présidentielle. Certes, le chef de l'Etat n'a pas prononcé de discours, mais ce dernier a été remplacé par le traditionnel bain de foule, que l'entourage de Bouteflika entend utiliser comme antidote aux campagnes menées à partir d'Alger. Comme la tradition l'exige, la ville s'est faite belle pour accueillir le Président, le décor est presque parfait. Seulement cette ville, acquise au FLN à la faveur des dernières élections, a réservé un accueil mitigé à Bouteflika. Les préparatifs n'ont d'ailleurs débuté que deux jours avant son arrivée. Un état de fait qui reflète, selon certains propos recueillis sur place, les divisions existants au sein de l'ex-parti unique à Sétif. En effet, on a appris que des différends ont ressurgi, ces derniers mois, divisant la base militante entre les fidèles de Ali Benflis et ceux qu'on qualifie de pro-Bouteflika. Cette division se résume, peut-être, dans cette banderole sur laquelle est inscrit: «La base militante du FLN souhaite la bienvenue au Président.» Un message commenté par le vice-président de l'APC de Sétif: «Cette banderole est l'oeuvre des opposants.» Une source proche du parti nous a déclaré que le bain de foule réservé au Président était soigneusement organisé par les autorités locales «les pro-Bouteflika». Pour le Président, qui compte vraisemblablement se présenter pour un deuxième mandat, cette visite prend les allures d'une précampagne électorale. Cependant, comme partout ailleurs à travers le territoire national, les préoccupations des citoyens sont de prime abord sociales. Le logement, le chômage, entre autres, sont autant de problèmes auxquels font face les Sétifiens. Le caractère politique de la visite ne leur échappe pas: «Nous voulons du concret, non pas des promesses électorales», précise un quadragénaire. Paradoxalement, et selon des sources locales, nombre de sites visités sont entrés en service depuis plus d'une année, voire ont été inaugurés par des ministres. C'est le cas notamment du projet d'alimentation en gaz naturel dans la commune de Aïn Arnat, et ce, pour 2 800 foyers, dont le coût global s'élève à 2, 38 millions de dinars. Les rares remarques faites lors de cette tournée, le Président les a réservées aux cadres de la wilaya. «La politique du fait accompli doit cesser. Les citoyens doivent participer au développement du pays», a-t-il lancé aux responsables locaux. Et d'ajouter: «Les retards de paiement doivent être rattrapés dans les factures des abonnés.»