A seulement 70 km de Kaboul, loin des traditionnels fronts de l'Est et du Sud afghans, les taliban règnent en maîtres sur la région où il ont récemment abattu un hélicoptère américain, l'événement le plus meurtrier du conflit pour la coalition. L'hélicoptère s'est écrasé dans la vallée de Tangi, dans la province centrale du Wardak, tuant ses 38 occupants - 25 membres des forces spéciales américaines, cinq membres d'équipage américains, sept membres des forces spéciales afghanes et un traducteur. La vallée, située dans le sud-est de la province, à la frontière de celle du Logar, «est sous contrôle total des taliban», affirme un habitant. Environ 1600 soldats de la coalition sont déployés sur l'ensemble des deux provinces du Wardak et du Logar, qui bordent toutes deux largement la province de Kaboul. Il y a quatre mois, les Américains ont néanmoins évacué le camp qu'ils occupaient dans la vallée, et qui, selon la même source était «jour et nuit» la cible d'incessants tirs de roquettes. Le poste a été remis aux forces afghanes, mais celles-ci peinent visiblement à contrôler la zone. Dans la vallée, les taliban «patrouillent jour et nuit sans crainte (...) ils ont dressé des barrages sur la route qui traverse la vallée et relie le Wardak au Logar», explique le témoin. «La zone est historiquement un foyer taliban, mais je ne la décrirai pas comme submergée», tente de nuancer le lieutenant-colonel Jimmie Cummings, un porte-parole de l'Otan, assurant que la coalition garde «les yeux» sur le secteur. Pourtant, selon le Dr Roshanak Wardak, médecin à l'hôpital du district de Sayed Abad, auquel appartient la vallée, «quasiment tous les villages (du district) sont sous contrôle taliban» et «l'autorité du gouvernement se limite principalement aux sièges du gouverneur et de la police». La situation n'a cessé de se détériorer depuis trois ans dans la province, explique cette ancienne députée. Démarche pour le moins inhabituelle, les autorités provinciales du Wardak ont publiquement rendu samedi l'armée afghane et sa «négligence» coupables de l'échec à enrayer l'extension de l'insurrection dans la province. Dans le Logar voisin, «l'activité des insurgés a augmenté» depuis un an, explique Din Mohammed Darweish, le gouverneur de la province, frontalière des zones tribales pakistanaises, sanctuaire des taliban. Les insurgés - parmi lesquels de nombreux combattants étrangers, selon le chef de la police du Logar - se mêlent aux habitants des villages, et terrorisent la population, affirme M. Darweish. «La situation va de mal en pis dans la plupart des districts, les taliban ont étendu leur contrôle à de nombreux districts», détaille le chef du Conseil provincial, Abdul Wali Wakeel. Dans celui de Baraki Barak, frontalier de celui de Sayed Abad, «les taliban» dominent quasiment tous les villages», explique son gouverneur Mohammed Rahim Amin, qui se plaint des «effectifs insuffisants des forces de sécurité». «Les taliban interdisent aux habitants de travailler pour le gouvernement sous peine de mort (...) La plupart des gens ici sont sans emploi, ils n'ont pas d'autre choix que de rejoindre les taliban», explique-t-il. D'autant que, cercle vicieux, l'insécurité dans la zone pèse sur l'activité économique et bloque des projets de développement. Après le crash, les forces américaines ont repris pied quelques jours dans la vallée de Tangi, le temps de retirer de la zone les débris de leur hélicoptère. Le 10 août, leur tâche accomplie, ils ont plié bagage, explique le porte-parole des autorités du Wardak, Shahidullah Shahid: «On peut dire que désormais les taliban contrôlent à nouveau la zone».