La question des pertes de change empoisonne le climat des rapports gouvernement-patronat. Rien ne va plus entre le premier argentier du pays, Abdellatif Benachenhou, et certains investisseurs privés nationaux. La raison réside dans une déclaration du premier cité lors d'une récente rencontre avec la presse qualifiant de «jérémiades» les exigences de ces investisseurs affectés, selon eux, par les surcoûts de crédits extérieurs. Ce qualificatif ainsi que son autre formule «Je combattrais l'unijambisme financier», c'est-à-dire le recours presque exclusif aux ressources du Trésor public pour financer les projets des ménages et d'équipement des entreprises ont suffi pour faire sortir de leurs gonds ces promoteurs et ces entrepreneurs. Dans une longue réplique au ton très offensif rendue publique hier, le président de la Confédération algérienne des industriels et des producteurs algériens (Cipa) Abdelkrim Hassani, considère que par ces déclarations, le ministre des Finances «traite avec dérision, pour ne pas dire avec mépris» ces investisseurs. Bien plus, il estime que c'est «l'Administration (du département de M.Benachenhou) qui a poussé à la faillite, voire à la déchéance» certains de ces derniers. Rappelant les revendications séculaires des corporations patronales, notamment celles relatives à la fameuse question des pertes de change, le responsable de la Cipa, remarque que les «pertes de change découlent d'une violation délibérée des lois de la République, d'un abus de pouvoir flagrant à l'encontre d'une catégorie de promoteurs, d'un reniement des engagements publics et d'une volonté déterminée de nuire fondée sur des préjugés; bref d'une vaste conspiration contre l'Algérie qui travaille et qui gagne». Il en veut pour preuve que ce qu'il appelle «l'incroyable obsession de l'administration (des finances) à accentuer le pourrissement de la situation (celle de la perte des changes) qui aurait pu être réglée en 1991-1992 par un simple rééchelonnement». Il faut savoir que le montant de ces pertes de change s'élevait, à cette date, à seulement 4 milliards de dinars et qu'il atteint aujourd'hui selon M.Hassani, 45 milliards de dinars. Quant à l'invitation de M.Benachenhou aux investisseurs d'«éviter la voie du Trésor et de prospecter la place financière», le président de la Cipa réplique que les investisseurs sont toujours à la recherche de «l'adresse» de cette source de financement mais qu'ils ne l'ont pas encore trouvée. En revanche, ce fut un tout autre ton lors des audiences accordées hier par le Chef du gouvernement, M.Ahmed Ouyahia, aux délégations représentant ceux qui se présentent comme le patronat algérien. La première audience fut accordée à la délégation de la Confédération générale des opérateurs économiques algériens (Cgoea) conduite par son président M.Habib Yousfi. La seconde fut consacrée à celle de la Confédération algérienne du patronat (CAP) conduite par son président, M.Boualem Merakeche. A l'issue de ces rencontres autant M.Ouyahia que ses vis-à-vis, ont parlé de «dialogue fructueux, de possibilités de promouvoir l'économie nationale» et de projets de mesures concrètes sur le foncier industriel et l'ouverture aux promoteurs et aux investisseurs de possibilités bancaires. Un ton des plus apaisants à la veille de la bipartite et de la tripartie prévues cet automne entre le gouvernement et les partenaires sociaux.