«Donnez-nous plus d'argent» «Quelle politique pour les festivals en Algérie?» Vaste et surtout ambitieuse question qui a été posée mardi dernier au directeur de l'Office national de la culture et de l'information. Pour le directeur de l'Onci, la culture c'est principalement une affaire d'Etat car relevant d'abord des prérogatives du ministère de la Culture. Pour lui, les années 1960 et 1970 étaient marquées par une activité culturelle assez riche. Néanmoins, les choses ont évolué, selon lui, car le nombre des festivals a augmenté bien que 185 festivals c'est peu. M. Bentorki fera remarquer que le Festival de Timgad, dont il est le commissaire, s'apparente au père vaillant comparé à d'autres festivals. Une affirmation somme toute aberrante et bien prétentieuse puisque ce festival, au cachet international, n'est pas très connu et ne jouit pas d'une grande aura dans l'hémisphère maghrébin, encore moins au Moyen-Orient d'où l'on puise la plupart des artistes arabes. Lakhdar Bentorki, qui dit vouloir faire passer le flambeau aux jeunes, bute cependant contre le laxisme des autorités à même de donner à ces festivals toute leur raison d'être, c'est-à-dire la promotion culturelle et touristique et économique du pays. «Il faut construire, élever le niveau. Il faut poursuivre continuellement le travail.On fait ce qu'on peut avec les moyen du bord qu'on a, l'essentiel est de travailler avec sincérité.» Comment donc développer les festivals en Algérie et quel est le rôle des commissaires et consorts dans cette histoire sachant que ces manifestions sont avant tout financés par l'argent du ministère de la Culture? «On ne peut être plus royaliste que le roi», fait remarquer M. Bentorki. Et de soulever: «C'est quoi cette question des dépenses qu'on brandit à chaque organisation d'un festival? Ce dernier, s'il n'est pas soutenu par les autorités et la société civile, seul il ne peut rien faire. L'activité culturelle concerne tout le monde. Le ministère de la Culture n'est que le moyen. Un festival a besoin de subvention..». L'argent c'est le nerf de la guerre et le moteur central dans toute action culturelle, dit-on. «Donnez-nous de l'argent!» telle semble la litanie de Lakhdar Bentorki qui souffre depuis des années du manque de financement à même de rehausser «ses festivals», à savoir Timgad et Djemila, à un rang véritablement international, un statut dynamique mondial et avec des artistes différents que ceux qu'on voit chaque année. Faut-il dans ce cas soutenir uniquement les faits cultuels étatiques et négliger les mouvements associatifs indépendants par exemple qui fourmillent sur le terrain? s'interroge-t-on. Quels sont les critères pour subventionner un artiste et/ou un festival? «L'Etat c'est nous et nous sommes l'Etat», affirme Bentorki. Une drôle de phrase qui nous renvoie à des années de plomb. Et de relever: «L'acte culturel n'est pas méprisé par les institutions officielles ou publiques. Je ne dis pas qu'on a atteint le sommet dans le domaine culturel. L'acte culturel n'est pas marginal. Si le ministère de la Culture finance, c'est la société qui fait la culture.» Il y a donc comme un hic. La faute est-elle due au laxisme des autorités ou celle de la société civile qui refuse de collaborer? La question devrait peut-être se poser autrement: Quelle culture pour quelle société? En s'échinant et en s'acharnant à crier au manque d'aide, chose en laquelle M. Bentorki excelle depuis des années, tout porte à croire finalement que c'est l'échec non avoué du ministère de la Culture dans sa politique de soutien à la culture qu'il souligne indirectement. Ne parlons pas des problèmes d'autorisation et de bureaucratie qui détruisent toute les bonnes volontés pour organiser un événement culturel ou autre. Pourquoi parle-t-on des festivals quand l'acte culturel se doit d'être continu mais non occasionnel ou sporadique? «Un festival n'est jamais à but commercial. Ses objectifs sont autres», fait remarquer le directeur de l'Onci. Evoquant le manque de visibilité dans le monde arabe, Bentorki explique cela par le contrat d'exclusivité qui le lie à la Radio et la Télévision algériennes et qui achètent l'intégralité de ses spectacles. Pour la promotion et la médiation de ses activités culturelles, il impute aussi ce problème au manque de moyens. Et d'aborder, par ricochet, celui du sponsoring en Algérie: «A chaque fois qu' on leur écrit, personne ne daigne répondre à nos lettres ne serait-ce que pour nous assigner leur refus.» M. Bentorki explique son choix de programmer environ 30 artistes algériens et 18 étrangers, et pas plus, en raison du manque d'argent alloué à son entreprise, affirmant un peu plus loin qu'un artiste doit se construire seul. Une aberration quand on sait qu'une campagne publicitaire aide souvent dans l'affirmation de sa notoriété et lui permet de gagner en assurance et en prestige car comme on dit aujourd'hui, «ce sont les médias qui font l'artiste.» Si cela ne renforce pas la qualité de son oeuvre, elle y contribue allégrement. Et le chargé de communication du TNA a raison de demander où sont ces grandes entreprises qui donnent des milliards à des activités au détriment des autres. «Ces mêmes entreprises utilisent les artistes comme tête d'affiche mais ne sponsorisent jamais un festival.» Et de souligner aussi à juste titre: «Ce n'est pas au ministère de la Culture de faire dans l'animation. L'acte cultuel qui est circonscrit à un périmètre précis dépend de la commune qui est aussi responsable et doit soutenir et financer les festivals. Un quartier où se tient un festival doit contribuer à son essor.» M. Bentorki, qui confiera avoir eu deux réunions, une au Emirats arabes unis et au Bahrein pour créer la Fédération des festivals arabes, puis celle du Maghreb, a émis le souhait de voir chaque wilaya avec son festival car c'est dans ces festivals qu'on découvre de nouveaux talents. En somme, organiser un festival... c'est toute une culture!