La seule parade contre les dérapages d'Al-Jazeera et autres passe inévitablement par plus de professionnalisme de nos médias audiovisuels qui sont encore, hélas, à l'ère du parti unique. La première leçon qu'on doit tirer des vagues suscitées par le sondage effectué par Al-Jazeera sur les attentats du 11 décembre est l'urgence de l'ouverture du champ audiovisuel. Sur le plan de communication, l'Algérie n'est pas seulement en train de rater le train, mais carrément de prendre celui qui vient dans le sens inverse. L'attitude de l'ENTV depuis mercredi en est la meilleure illustration. C'était l'illustration même de l'antiprofessionnalisme. Que HHC fustige Al-Jazeera ne va rien changer à la donne. Encore moins les représentants de la “société civile” qui confirment encore une fois qu'ils sont toujours en retard d'une guerre. Al-Jazeera n'est pas à ses premiers coups contre l'Algérie. Cependant, les réactions se suivent et se ressemblent. Au bout du compte, les leçons n'ont pas été apprises et les changements à la tête du département de la Communication n'ont abouti à rien de concret pour le champ audiovisuel. Avec une seule chaîne TV, dupliquée deux fois (Canal Algérie et A3), on peut s'attendre à autre chose mis à part ce qu'on constate depuis des “lustres”. Al-Jazeera joue sur tous les flancs et fronts, avec une attention particulière pour le Net, et une politique bien établie avec un “cahier de charges”. Devant sa dynamique, l'Unique propose la statique comme alternative avec en plus une image des plus décalées. Les réactions de vierges effarouchées qu'on a tous constatées ne sont plus de mise et deviennent à la longue carrément indécentes. Réagir au lieu d'agir voilà le problème. Une tare que l'ENTV, et du coup les pouvoirs publics, ne veulent (peuvent ?) pas se départir malgré tout ce qui se trame dans les autres pays. L'urgence d'ouvrir le champ audiovisuel doit être carrément une priorité de l'Etat. On n'est plus au temps de “le monde évolue” ; le constat a été établi il y a belle lurette sans qu'on puisse faire quoi que ce soit. Pourtant, d'autres pays ont su trouver la parade sans que cela puisse toucher à leur intérêt ni à leurs “constantes”. L'Arabie Saoudite en est le meilleur exemple. Ne voulant pas se contenter de recevoir les “coups”, elle a créé une TV pour contrer celle du Qatar. D'où la naissance d'Al-Arabiya qui en quelques années a pu concurrencer Al-Jazeera et même la supplanter à plusieurs occasions. L'Iran n'est pas resté les bras croisés, en créant Al-Allam, une chaîne en arabe qui fait aussi son chemin. L'Afrique noire est en train de suivre le “train” et le monopole audiovisuel fait parti du passé. Ainsi, le Togo en est à sa sixième chaîne privée, le Burkina Faso a deux chaînes privées nationales et une télévision confessionnelle (en plus de la chaîne publique). N'allons pas loin. Juste à nos frontières, les Marocains et les Tunisiens ont compris depuis des années. Les chaînes TV, privées ou publiques, y foisonnent et d'autres sont prévues. Même la Palestine, sans Etat et sous l'occupation, a ses propres chaînes de télé. C'est dire le grand retard dans lequel l'Algérie se retrouve. Tous ces pays sont loin d'être des références en ouverture démocratique ou encore moins de liberté d'expression. Malgré cela, les faits sont là. On se contente d'être des témoins tout au plus, alors que d'autres ont décidé d'être des acteurs. Les compétences algériennes ne manquent pas et l'expérience nous a bien montré qu'à chaque fois qu'il y a eu une ouverture dans tel ou tel secteur les bénéfices ont été immédiats. L'embellie financière actuelle est une excellente occasion pour booster ce secteur et ouvrir enfin ce champ audiovisuel. Sommes-nous condamnés à suivre les chaînes des autres ou à se contenter de “alhan wa chabab” ? La réponse est sans équivoque non, mais pour cela, il faut des “actes”. Acta no verba. La bonne gouvernance c'est dépasser le stade de la “parlote” pour se concrétiser sur le terrain Enfin, l'intérêt suprême du pays l'exige. Salim Koudil