L'Expression: Êtes-vous satisfait de l'actuelle télé algérienne? Salim Aggar: Oui et non. Il y a beaucoup de compétences à la télévision, que ce soient les techniciens, les journalistes ou les responsables, mais ce qui ne va pas à la télévision, c'est la politique générale de l'entreprise. Les employés de la Télévision nationale sont excellents quand ils travaillent à l'extérieur. Le meilleur exemple pour moi, et je ne parle pas de Khadidja Bengana ou les autres qui sont à Al Jazeera, c'est Leïla Bouzidi qui est actuellement à Medi1 Sat. Cette journaliste est une enfant de la télévision. Regardez ce qu'elle peut faire sur une télévision concurrente. Ce qui manque à la télévision, c'est plus d'indépendance, plus d'ouverture, moins de contrôle. Ce n'est pas une mince affaire d'être DG de l'Entv. C'est un poste sensible qui vous expose à, non seulement les critiques de la presse, mais aussi à celles des citoyens, des responsables, des ministres et même des cercles du pouvoir. Maintenant, il y a le style qui change. Hamraoui Habib Chawki avait son style, Leulmi a le sien. Les producteurs doivent s'adapter. Quelle évaluation faites-vous de la grille? Je ne parlerai pas de grille, mais de concept de grille. Je peux vous dire que la télévision a les moyens et même le pouvoir d'être la plus importante télévision en Afrique et même dans le monde. Durant cette période de guerre médiatique entre l'Egypte et l'Algérie, on s'est rendu compte que l'Egypte, qui était une grande nation de cinéma et la plus importante productrice de feuilletons arabes, n'avait pas des télévisions de qualité. Aujourd'hui, la majorité des programmes tunisiens et marocains sont proches des concepts français que nous regardons sur TF1 ou France2. L'Entv avait tenté de faire la même chose avec des programmes comme Fort Boyard ou Bordj El Abtal, Akher Kalima, Saraha Raha ou Dzaïr Show. Endemol est une société hollandaise qui vend des concepts pour 150 pays, mais ça ne fait pas de la télévision hollandaise, la meilleure du monde. Alors pour conclure avec l'Entv, je vais vous étonner en disant qu'elle n'est pas responsable de la médiocrité de ses programmes, car elle ne peut pas tout faire. Avec la publicité aujourd'hui, elle peut, financer des programmes achetés ou fabriqués par des producteurs privés. Estimez-vous que la télé a évolué depuis 20 ans? Elle a énormément évolué, malgré les apparences. Mais il y a un détail important que les gens oublient. Durant la tragédie nationale, l'Entv a connu sa véritable ouverture en 90, elle a été la première télévision arabe à installer un débat politique pluriel, avec l'émission Face à la presse, avant Al Jazeera et consorts. C'est aussi la première télévision arabe à envoyer des journalistes en terrain de guerre, en Irak en 1991. Elle a été la première télévision à diffuser des films américains en première exclusivité, avant même les Français. Sans parler des matchs et des concerts. Mais avec la tragédie nationale, l'Entv a régressé, parce qu'elle ne s'est pas adaptée à la réalité du terrain. En tant que réalisateur de documentaire que faut-il faire pour sortir la télé algérienne de son marasme? Par l'ouverture audiovisuelle au privé? Oui, mais pas ouvrir pour ouvrir. Parce qu'on ne souhaite pas avoir des télévisions comme on l'a vu en Egypte. Non! une télévision c'est avant tout une vision, une passion et surtout beaucoup d'argent. Le meilleur exemple pour moi, c'est la Tunisie et plus particulièrement Hannibal TV. Une petite chaîne qui monte. Nessma TV aussi va réussir dans la durée. L'ouverture du champ audiovisuel en Tunisie s'est fait dans la discrétion et sans fracas, au Maroc aussi. En Algérie, c'est plus compliqué. Mais je suis pour une ouverture capitale privé-public comme l'ont fait les Marocains avec la 2M, ensuite créer des télévisions privées spécialisées dans le sport, le divertissement ou le cinéma. Il faut avant tout créer une autorité des régulation et ensuite présenter un cahier des charges.