Le surplace observé dans le dossier proche-oriental n'incite pas à l'optimisme. Lors de son entrevue avec le président Bush, le 25 juillet dernier, le Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas, avait, entre autres, insisté sur les pressions que Washington devait exercer sur Israël tant à propos des détenus palestiniens que par rapport au «mur» que Tel-Aviv édifie autour de la Cisjordanie. En fait, ce mur, qu'Israël présente comme étant une «clôture de sécurité», estimé comme étant un «problème» par Bush et «inopportun» par Colin Powell, remet en fait, en cause l'ensemble des efforts consentis jusqu'alors pour parvenir à détendre l'atmosphère d'une part, à réunir les conditions de mise en application de la «feuille de route» d'autre part. Or, poursuivant sa politique de «containment» de la résistance palestinienne, Israël ignore délibérément les paramètres entrant en compte dans la recherche d'un consensus à même de dynamiser le processus de paix. S'en tenant, comme toujours, à sa seule appréciation de la situation, Israël exige le démantèlement des mouvements de résistance palestiniens - considérés par les Israéliens et les Etats-Unis comme des groupes «terroristes» - alors même que ces derniers observent, depuis le 29 juin, une trêve de trois mois - trêve jusqu'à ce jour respectée par l'ensemble de la résistance palestinienne. En revanche, Israël n'a pour sa part mis en pratique aucun des points de la «feuille de route», concernant le gel des colonies, le retrait de l'armée israélienne des villes palestiniennes réoccupées, la libération des prisonniers palestiniens. En fait de gel, il a été constaté au contraire, une multiplication de colonies juives, dites «sauvages», la levée des barrages n'a concerné que trois barrages sur les 160 qui encadrent les territoires occupés, le retrait des villes palestiniennes est toujours en suspens... Pour ce qui est des détenus palestiniens, Israël tergiverse toujours, envisageant un jour de les libérer pour surseoir à cette libération, le lendemain. Cela sans revenir sur l'isolement du président Arafat, acculé dans son réduit de la Moukataâ à Ramallah. Ce qui «rend les choses difficiles» comme l'a réitéré hier le Premier ministre Mahmoud Abbas. Par ailleurs, la situation s'est détériorée samedi après l'arrestation - avec l'accord du président Arafat - d'une vingtaine de militants, des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, proches du Fatah, recherchés par Israël. De fait, les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa ont immédiatement annoncées, samedi, qu'elles reprenaient leur liberté d'action après l'arrestation de ses militants. L'Autorité palestinienne s'est ainsi retrouvée en porte-à-faux dans cette affaire en revenant sur son intention de transférer les détenus à la prison de Ariha (Jéricho) ou à Gaza, comme l'a annoncé hier, le ministre palestinien chargé du dossier, Abdelfatah Hamayel, selon lequel «il a été décidé qu'ils (les prisonniers) ne seraient pas transférés à Jéricho ou à Gaza», ajoutant toutefois, que l'Autorité palestinienne voulait «s'assurer des garanties internationales pour que les centaines de Palestiniens recherchés ne soient pas la cible d'attaques israéliennes». Selon la radio publique israélienne, dans un bulletin communiqué hier, Israël envisageait, en plus des 540 prisonniers devant être élargis prochainement, la possibilité d'en libérer des centaines d'autres. 6000 Palestiniens croupissent actuellement dans les prisons israéliennes. La question devait être discutée par le cabinet israélien lors de sa réunion d'hier. Entre-temps, après plusieurs jours d'interruption, les contacts devaient reprendre hier en soirée entre le ministre israélien des Affaires étrangères, Sylvan Shalom et son homologue palestinien, Nabil Chaath, d'une part, et le ministre israélien des Infrastructures, Yossef Paritzky et celui des Finances palestinien, Salam Fayad, d'autre part. Depuis l'échec de la rencontre Sharon-Abbas du 20 juillet, il n'y eut plus de contacts entre Palestiniens et Israéliens, rappelle-t-on. Toutefois, demeure ce manque de volonté affiché des Israéliens d'aller au bout d'un processus pouvant instaurer la paix entre les communautés juive et arabe. Tel-Aviv qui refuse le principe de «la terre contre la paix», outre qu'elle veut «la terre et la paix», semble surtout encline à neutraliser la résistance des Palestiniens sans rien céder sur le fond : l'établissement d'un Etat palestinien indépendant. Les péripéties de ces dernières semaine, l'attestent largement, d'autant plus que le démantèlement et le désarmement des groupes palestiniens, que réclame Israël, outre qu'il ne peut précéder un accord de paix, relève prioritairement, s'il y a lieu, du futur Etat palestinien. De fait, l'obstacle primordial à l'avancée du processus de paix demeure l'occupation des territoires palestiniens d'une part, la consolidation des colonies de peuplement juives, sur ces mêmes territoires, d'autre part. Par ailleurs, ce qui est évident et obligatoire dans les conflits de ce genre dans le monde - séparation des belligérants par des forces d'interposition internationales - ne l'est plus, dès lors qu'il s'agit des Palestiniens et d'Israël. Cela reste l'une des anomalies du plan de paix, la «feuille de route», parrainé par les Etats-Unis, lequel ne prévoit pas la mise en place de cette force de séparation, au moment où, en construisant un «mur de séparation» qui empiète largement sur les territoires palestiniens, Israël, juge et partie, affirme ainsi ne reconnaître aucun droit aux Palestiniens. Privilégiant de tout temps la force, les Israéliens perdent de vue le fait que la sécurité d'Israël ne sera garantie que par l'existence d'un Etat de Palestine souverain. Et cela les Américains le savent bien, qui feignent l'ignorer, préférant se plier devant les lobbys pro-israéliens qui, avec leur argent, jouent un rôle prépondérant dans les élections américaines. La paix au Proche-Orient réclame des sacrifices des deux parties, pas seulement des Palestiniens qui vivent depuis 55 ans sous le joug israélien.