La toute première entrevue entre les Premiers ministres israélien et palestinien s'annonce ardue. L'échiquier proche-oriental est plus que jamais embrouillé tant par la prétention d'Israël de dicter sa loi et l'ordre du jour de la «feuille de route» que par la crise qui s'annonce dans le gouvernement Abbas qui vient d'enregistrer une première démission. En effet, le négociateur en chef palestinien, Saëb Erakat, personnalité politique palestinienne très influente, vient de claquer avec fracas les portes du Cabinet Mahmoud Abbas. Le négociateur palestinien, qui a annoncé sa démission jeudi, n'a pas, toutefois, motivé ce renoncement. Cependant, d'après des sources proches du gouvernement palestinien, M.Erakat aurait très mal apprécié le fait de ne pas figurer dans la délégation palestinienne devant accompagner Abou Mazen, lors de sa rencontre, aujourd'hui sans doute, au poste frontalier d'Eretz, avec le chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon. Cette non-désignation de Saëb Erakat est d'autant plus curieuse que ce dernier -négociateur en chef et spécialiste du dossier israélo-palestinien - est en charge, dans le cabinet Abbas, des négociations entre Palestiniens et Israéliens, alors que Mahmoud Abbas affirme que sa rencontre avec son homologue israélien sera centrée uniquement sur la «feuille de route». Ce qui n'est pas l'avis du chef du gouvernement israélien lequel a déclaré que cette entrevue aura un seul objet de discussion: les impératifs de sécurité. D'ores et déjà, il apparaît que les préoccupations des deux hommes sont, en fait, totalement antinomiques. M.Sharon n'est intéressé que par le problème sécuritaire au moment où M.Abbas veut entamer une large discussion sur l'application de la «feuille de route». Dès lors, l'ambition de M.Abbas d'infléchir la position rigide de Sharon sur la «feuille de route», est-elle réaliste, en espérant réussir là où le secrétaire d'Etat américain avait, il y a quelques jours, échoué? Ce qui fait dire à Nabil Abou Roudeina, le conseiller du président Arafat: «La rencontre (Abbas-Sharon) serait utile si elle était axée sur l'application de la feuille de route», indiquant: «Si Israël a d'autres intentions, la rencontre sera inutile». De fait, les intentions de Sharon et d'Israël demeurent le point central du dossier proche-oriental. Or, il semble bien que l'intention, quasiment affirmée, d'Ariel Sharon, est bien de faire traîner les choses jusqu'après l'élection présidentielle américaine prévue l'an prochain. Dès lors, l'application de la «feuille de route», sur laquelle il a émis maintes réserves, n'est pas, si jamais elle l'a été, la priorité de Sharon qui doit rencontrer le 20 mai prochain le président Bush à Washington. Selon le quotidien israélien Haaretz, «Sharon croit que son entretien avec Bush sera couronné de succès, comme ce fut le cas pour les sept précédents (entre les deux hommes)», d'où le peu d'empressement qu'il montre, ne serait-ce qu'à titre symbolique, à faire un geste en direction de la paix. En revanche, multipliant les obstacles sur le chemin de la paix, le chef du gouvernement israélien refuse de geler la colonisation juive dans les territoires palestiniens, gel qui figure comme l'une des conditions essentielles de la «feuille de route». Dès lors, les exhortations de Colin Powell aux deux parties ne peuvent avoir de consistance si l'une, Israël, s'estime au-dessus de toute recommandation, ou pression, d'où qu'elles viennent. En effet, le secrétaire d'Etat américain lors de son dernier séjour au Proche-Orient avait incité Israéliens et Palestiniens «faire des compromis car, affirme-t-il, nous ne pouvons pas faire du surplace. Il faut saisir cette opportunité et ne pas la laisser passer». Aussi, loin de toute idée de rapprochement, le gouvernement israélien a, en revanche, durci la répression contre les Palestiniens. Hier plusieurs localités palestiniennes, Beit Hanoun, Beit Lahiya, le camp de réfugiés de Jabaliya, dans la bande de Ghaza, ont été encerclées par quelque 70 blindés de l'armée israélienne, appuyés par des hélicoptères de combat, au moment où des bulldozers procédaient à la destruction de maisons de résistants palestiniens, rasant plusieurs hectares de terre agricole, arrachant des orangeraies... Cinq Palestiniens, dont deux enfants de douze ans, ont en outre été tués hier à Beit Hanoun et Jabaliya.