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Les messages de vérité et d'espoir...
L'EQUATION AFRICAINE DE YASMINA KHADRA
Publié dans L'Expression le 28 - 09 - 2011

Mettre en équation l'Afrique est une gageure inédite, car cela suppose la résolution de données multiples et diverses par une analyse fine des inconnues dont on se charge d'observer les valeurs et de les rendre à leur véritable et noble nature.
Trop longtemps attendu, nous l'avons enfin en main. Dans ce roman - d'aventure, si l'on veut au singulier ou au pluriel - dans cette toute nouvelle fiction, L'Equation africaine (*), Yasmina Khadra envoie des messages fulgurants, non seulement à ses lecteurs habituels qui sont maintenant des millions à travers le monde, mais également à ceux-là qui militent pour la mondialisation sans conscience et si même celle-ci leur revient aussi comme un boomerang et assez pour qu'ils n'en sortent pas sans indignité. L'intention de l'auteur est de présenter ici telles qu'elles sont les réalités humaines tout en circonscrivant les valeurs qui font l'humaine condition. Le registre de l'Afrique meurtrie est ouvert à plat totalement; à l'évidence, la sauvagerie supérieure où qu'elle règne a pour couronne la barbarie.
Alors le drame actuel de l'humanité ne serait-il pas là pointé par un Yasmina Khadra plus que jamais idéaliste à raison, combattant vigilant contre l'exclusive, l'intolérance et la médiocrité chevillées dans les coeurs? Bien sûr, nous pourrons croire à la réalité de cette détestation, car elle est si insidieusement installée à travers le monde qu'elle fait sans cesse des surenchères injustes, insupportables, préjudiciables à l'honnête homme - elle procède d'une «qualification» peu commune - et, dans la foulée de son dessein malfaisant, elle se persuade des gains de jouissances apportées à sa «Vérité» suspecte. C'est dire qu'il n'est pas difficile de démontrer, quand l'esprit est mauvais, combien est mauvais l'esprit mauvais: l'accusation est au rabais de la volonté de nuire. Cela va dans la vie des orgueilleux comme il va dans la vie des miséreux, comme il va encore plus fort dans la vie où les vieux nantis se sont fait de vieux os sur les générations de squelettes dépourvues de vitalité. Ici ce n'est pas la peinture d'une nature morte... et belle; on décrit un mal de l'esprit! L'équation africaine est en quelque sorte l'incarnation décortiquée de l'exclusion, la douleur même en sa triste élégance!
Un engagement juré
Une fois encore, Yasmina Khadra s'ouvre à ses lecteurs, en toute sincérité; c'est-à-dire avec courage et tel qu'il est fidèle à la passion de son pays, et répétant «Je ne suis nulle part chez moi que parmi les miens, dans mon pays qui a besoin de moi.» et tel qu'il rêve d'une humanité entièrement réconciliée. Car dire, écrire et publier une pensée ferme, profonde et solidaire d'une humanité en voie de sacrifice à l'arrogance, à l'égoïsme et à l'intolérance - conduite morale et politique détestable et pourtant essence incendiaire de la mondialisation telle qu'elle est activée par ses adeptes et telle qu'elle fait souffrir aujourd'hui ses victimes -, c'est un engagement juré pour aider à construire un bonheur qui ne soit pas une éternelle utopie. La solitude de l'homme ne doit plus être une fatalité; le monde des mythes devrait disparaître, - jusqu'à quand Sisyphe supporterait-il l'injuste condamnation de faire rouler sans fin du pied au sommet d'une montagne le Rocher de péchés dont il n'est pas responsable? Le mépris - hélas! - est devenu «état», le supplice naturel de ceux qui rêvent d'une vie humaine où l'homme ne méprise pas l'homme, où il n'y a de vérité que dans le respect de l'Autre.
À ce sujet, la trilogie du Grand Malentendu (Les Hirondelles de Kaboul, L'Attentat et Les Sirènes de Bagdad) de Yasmina Khadra a déjà été une évidente et brillante démonstration: chez l'homme, la quête de toute liberté est dans la nuance du cri de son espoir. Paru récemment, l'ouvrage L'Equation africaine est à considérer comme un complément indispensable à cette trilogie. D'autre part, à lire ce roman, et plus que par la solitude, plus que par le déracinement, plus que par l'exclusion, plus que par l'intolérance, que l'on croirait disséqués, analysés, expliqués ici par Yasmina Khadra, on est littéralement frappé par l'extrême audace de sincérité dont fait preuve l'auteur en écrivant cette longue aventure moderne où le Sisyphe de la mythologie n'est plus une exclusivité grecque. La pensée spécifique de Yasmina Khadra est au coeur même de l'équation africaine qu'il va falloir résoudre avec l'intelligence, la sensibilité et la justice humaine! C'est une équation humaine qu'il ne faut surtout pas priver de l'estime humaine!
Yasmina Khadra a écrit ses livres, a écrit ce livre L'Equation africaine en complète conformité avec sa philosophie de vie: «Le livre est notre meilleur ami, mieux que le fusil, le cheval et le chien réunis.» Ceux qui ont lu sa contribution au dossier «À quoi sert le livre?» (Le livre entretient notre esprit in L'Expression du mercredi 10 août 2011, p. 21), ceux qui ont tant glosé sur lui au sujet de son voyage utile au Bahreïn, comprendront très certainement l'allusion (Celui qui aime son pays, aime l'Afrique) à laquelle ils sont renvoyés. Toutefois, ici ce n'est qu'une simple indication, un réflexe de combattant contre la médiocrité et les broyeurs d'intelligence et d'espérances.
Dans L'Equation africaine (j'allais écrire «humaine»!), de quoi s'agit-il? Tout bonnement d'une aventure sur mesure pour Européen, tout bonnement d'un drame somme toute petit-bourgeois né dans une Europe riche (et néanmoins endettée), mais s'étouffant dans l'ennui d'une vie plate et codifiée. Après une vie morne de médecin généraliste, à Frankfurt, après avoir découvert l'amour de Jessica qui l'avait fait passer de «l'existence à la vie» et même accéder «à la quintessence du monde» pendant quatre mois de mariage, Kurt Krausmann, le narrateur dans le livre, la perd tragiquement. «L'amour de ma vie, nous confie-t-il, s'est évanoui... D'un claquement des doigts, mon univers s'est appauvri.» L'aventure commence, riche en péripéties, en suspenses, en retournements de situation, où l'amour de l'homme, où l'angoisse, où l'espoir où l'échec s'alignent au quotidien comme les obstacles à affronter pour consolider l'honneur d'être un humain. C'est cela la tragique poétique de l'épreuve moderne!
«Sentir l'Afrique»
Kurt accepte d'accompagner son ami Hans Makkenroth dans son voilier de douze mètres. Il est le gérant de «plusieurs entreprises spécialisées dans les équipements hospitaliers» et surtout il est «passionné par les bateaux, les océans et les peuples lointains». Les vents et le destin les poussent vers les Comores, un «des territoires improbables» pour y aller aider des peuples démunis, tourmentés par la misère et mourant de faim et de maladie. Belle aventure qui s'annonce comme «Une formidable thérapie» pour Kurt le médecin. Mais après un début de voyage magnifique où Yasmina Khadra accorde à son personnage ses propres appréciations sur la nature, la mer, le ciel, les côtes et les reliefs, les poissons et les oiseaux accompagnateurs, les mirages, les rêves, les pensées libres et libérées,... apparaissent les hommes - d'un autre monde hideux - avec leur réalité et leur complexe, avec l'éternelle confrontation aux aspects sauvages. Qui en est responsable? Les pirates se dressent en mer dans une houle de menaces et se saisissent d'eux tous. Tao, le cuisinier philippin du voilier, est jeté par-dessus bord. Les prises d'otages sont ainsi signifiées au monde qui se dit civilisé. Les otages vont «sentir l'Afrique», telle qu'elle est et telle qu'elle n'est pas: «Chaque chose recouvre sa juste mesure.» Cependant, partout la poésie, entre «la nudité du ciel et de la mer», s'épanouit comme dans un rêve, mais partout le drame prochain est sous-jacent aussi; soudain un cauchemar va remuer de fond en comble ces imprudents plaisanciers. Prisonniers, Kurt et Hans, que vont-ils faire d'eux les pirates somaliens?
L'équation africaine, de la Somalie au Soudan, se dessine claire et nette sous les yeux de Kurt, l'intellectuel allemand, bourré de bons sentiments, - ce sont des valeurs immuables, mais où ont-elles cours? Les paradoxes africains émergent comme des poissons volants, parfois victimes, parfois tueurs, gros poissons épouvantables trafiquants, des guerriers sauvages, des dictateurs locaux éhontés, des peuplades spoliées, désarmées, affamées mais dignes, silencieuses mais courageuses,... Lutter contre qui? Contre l'insaisissable maquereau? Contre soi? Des questionnements sans fin s'élèvent plus haut que les plus hauts reliefs d'Afrique, de tout ce qui est africain encore sous le joug d'un passé qui n'en finit pas de passer, où des générations et des générations se débattent dramatiquement dans leur excès d'ignorance et dans leur incapacité de s'unir pour affronter sans recul le monde inqualifiable (toutes les parties continentales confondues) auquel encore aucun grigri n'a porté chance. Leurs héros tombent, d'autres reprennent le flambeau. L'Afrique avance, déployant des trésors de courage et d'ingéniosité. Mais le poids d'un Occident jaloux et militaire de formation et d'intention est toujours insupportable pour les êtres soumis aux violences et privés de leurs valeurs humaines. Qu'est-ce qu'un sauvage? Kurt, le médecin généraliste, écoute attentivement cette réflexion de son gardien et il la ressent comme une morsure: «...La guerre? Les vôtres sont pires que les cataclysmes. La misère? C'est à vous que nous la devons. L'ignorance? Qui te fait croire que tu es plus cultivé que moi?»
À chaque page, le lyrisme de Yasmina Khadra est perceptible, serein et digne; on entend le chant des humbles, de ceux qui vivent ou qui survivent: une leçon pour les Africains, une leçon pour les Occidentaux. Oui, «les démons ne sont pas invincibles».
Terminons par cette réflexion de Kurt au bout de son voyage et rédigeant son récit: «´´Pourquoi es-tu triste? m'apostrophait le guerrier-marabout. Tu ne devrais pas. Seuls les morts sont tristes de ne pouvoir se relever.´´ Et je suis vivant. Je respire, je m'émeus, je réagis, je rêve... Je suis aux anges. Non, je ne mourrai pas borgne. Et je saurai partager pour accéder à la maturité... Mes mains tremblent, mes doigts s'entremêlent sur le clavier. Je ne distingue plus les lettres sur les touches. Normal, je suis en larmes.»
L'Equation africaine traite d'une humanité violentée; elle est présentée avec la colère juste et la tendresse infinie d'un Yasmina Khadra parvenu au sommet de son art personnel, car il a construit sa pensée, son style et, particulièrement, sa liberté absolue de l'artiste par laquelle ses héros positifs ou négatifs délivrent les secrets de leur conscience. «L'équation», dont il est question dans cette oeuvre féconde sur «L'Afrique» - par exemple, de la Somalie au Soudan -, trouve, à mon sens, son message véritable en ceci: les actes monstrueux déclenchent les actes «criminels» et, par contre, les regrets, les remords et l'apprentissage du respect de l'Autre, «là où l'amour sème, on récolte sans compter, car tout redevient possible lorsque le coeur et la raison fusionnent...»
Or l'Histoire des peuples ne cesse de nous rappeler la quiétude orgueilleuse des fortunés face au malheur et au désespoir des infortunés. Les réflexes sauvages de la mondialisation auraient-ils subitement fait perdre à l'Europe son réflexe d'amour?
(*) L'EQUATION AFRICAINE
de Yasmina Khadra
Editions Julliard, Paris, 2011, 327 pages.


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