Les épidémiologistes se posent des questions sur la vocation des bureaux d'hygiène communaux. Contacté par L'Expres-sion, des spécialistes affirment que les récentes épidémies auraient pu être largement évitées. Tout en relevant que le problème des épidémies ne relève pas exclusivement du ministère de la Santé, mais également et surtout des autres institutions et secteurs comme l'hydraulique, le commerce ou le département de l'Intérieur, nos interlocuteurs dénoncent la gestion par à-coups de ce qui est le plus cher au citoyen: sa santé. Ces mêmes spécialistes révèlent que le comité zoonose n'a pas siégé depuis 1998, d'où la réapparition de la maladie médiévale. «Désormais, il va falloir que l'on soit davantage sur le terrain», renchérissent-ils. Ils évoquent avec nostalgie les bureaux d'hygiène communaux instaurés du temps de Houhou en 1986. «A l'époque, une rencontre hebdomadaire réunissait les professionnels de la santé et les autorités locales au sein de chaque commune». L'on a également institutionnalisé le Cnmth (Centre national des maladies à transmission hydrique), au même titre que les comités de wilaya créés par arrêté interministériel. Cela dit, les spécialistes font l'amère constat que dès que l'on sort de la zone rouge, «l'on revient à la gestion par à-coups». Selon eux, rares sont les autres secteurs à avoir délégué leurs représentants au sein de ces structures : l'absence de ressources financières, ajoutée à l'indifférence des pouvoirs publics pour ces bureaux, ont vite fait de réduire ces derniers à de fantomatiques structures. Un décret signé en 1987 a tenté de réhabiliter ces bureaux, mais en vain, puisque depuis ledit décret est resté lettre morte. Aujourd'hui, les épidémiologistes n'hésitent pas à se poser des questions sur la vocation de ces bureaux d'hygiène communaux auxquels échoit la prévention non sans se demander au préalable quelle est la mission des autorités locales en leur sein. Manière de dire que l'on ne peut avoir que le système de prévention que l'on mérite. Toujours est-il que l'Algérie accuse actuellement un retard de vingt ans alors qu'à un moment donné, elle était un modèle en la matière pour nombre de pays du tiers-monde. A l'indépendance, la tuberculose, le paludisme et les autres grandes maladies infectieuses du sous-développement avaient sensiblement reculé. L'Algérie avait alors élaboré des programmes de lutte tellement efficaces que la tuberculose avait été vaincue dès la première année de l'indépendance. Parce qu'il y avait une forte volonté de doter le pays d'un système de santé performant ; et même l'ambition de voir s'installer un observatoire de la santé. Néanmoins, il est patent de constater maintenant la dislocation du système de santé algérien, constatée dès 1990. Date où il fallait adapter les besoins aux capacités disponibles et à la transition démographique et épidémiologique de tout un pays. Actuellement, du fait des erreurs d'aiguillage politique, les professionnels de la prévention disent être arrivés à un stade où ils ne peuvent «ni prendre en charge les maladies transmissibles en vue d'éliminer le taux de morbidité qui en découle ni gérer les nouvelles donnes générées par les ma-ladies dégénératives et les autres pathologies liées au changement du mode de vie.» Toutefois ils se gardent de nier les acquis et rappellent que la polio a été éradiquée de même que la tuberculose qui n'a pas connu de croissance depuis les dernières années en dépit des «poches de pauvreté» alors que la typhoïde n'est pas en réelle augmentation. Ils citent l'implication plus qu'effective des autres secteurs. A ce titre, ils rappellent la force de proposition de cet ancien ministre de la Santé que fut Guidoum qui avait, en son temps, attaqué des responsables locaux en justice à propos du botulisme, pour aboutir à la question de savoir quel rôle va jouer le ministère de la Santé dans le prochain code communal. La préoccupation des ces blouses blanches demeure celle de voir un jour la surveillance épidémiologique acquérir toutes ses lettres de noblesse à l'échelle de la commune, conformément au plan de cet autre ministre de la Santé que fut Mohmed Seghir Babbès qui avait une vision des programmes locaux d'action sanitaire. «Ce fut une démarche louable qui aurait permis l'instauration et la présence de la santé à l'échelle de la commune», notent-ils. Le système de surveillance épidémiologique est né à l'Insp (Institut national de santé publique), où une liste de maladies à déclaration obligatoire était établie, un embargo sur ce bureau de surveillance épidémiologique, a fini par anéantir tous les efforts de prévention.