Le temps des concessions est-il fini pour les Palestiniens ? A vrai dire, il n'y a plus rien à concéder sauf le désespoir de millions de personnes avec le risque d'explosion qu'il comporte. L'on se rappellera la réplique désormais célèbre du leader palestinien défunt Yasser Arafat qui déclarait le 2 mai 1992 à Paris que les Palestiniens n'avaient plus que la feuille de vigne, après les décisions éminemment stratégiques adoptées quelques mois auparavant à Alger par le Conseil national palestinien (CNP). Arafat lui-même avait alors mis en avant « le réalisme, le pragmatisme et la modération » qui caractérisaient alors la position palestinienne. Son successeur, Mahmoud Abbas qui était sur la même ligne, n'a lui aussi plus rien à offrir. Au contraire, ce sont les Palestiniens qui attendent qu'Israël s'engage dans un processus sérieux. C'est ce qui explique leur rejet d'un sommet qui aurait permis au Premier ministre israélien d'avoir le beau rôle. En fait, la politique-spectacle est vide de sens sauf pour Israël et sans le moindre impact sur la question palestinienne. Effectivement, le sommet prévu cette semaine entre les leaders palestinien Mahmoud Abbas et israélien Ariel Sharon a été reporté à la fin octobre en raison de divergences persistantes, notamment sur la question des prisonniers, a-t-on annoncé de source palestinienne lundi. « La rencontre a été reportée à la fin du mois car elle n'a pas été suffisamment bien préparée », a déclaré le porte-parole de la présidence de l'Autorité palestinienne, Nabil Abou Roudeina, à l'issue d'une rencontre entre M. Abbas et l'émissaire américain David Welch. Aucun commentaire n'a pu être obtenu dans l'immédiat auprès d'Israël. Le négociateur en chef palestinien Saeb Erakat avait peu auparavant affirmé que la tenue du sommet dépendait d'une entente préalable sur le communiqué final de la rencontre. « Ce qui compte, c'est la teneur du sommet et non sa date », a-t-il dit, citant la libération de prisonniers palestiniens, l'arrêt de la colonisation juive en Cisjordanie et la mise en œuvre de la Feuille de route, le dernier plan de paix international, parmi les dossiers sur lesquels les deux parties achoppent. Il a affirmé que l'Autorité palestinienne exigeait « la libération immédiate » de vingt détenus ayant déjà purgé plus de 20 ans de prison, alors qu'Israël refuse de libérer les Palestiniens qui ont « du sang sur les mains », c'est-à-dire impliqués dans des actions de la résistance. Le ministre palestinien en charge des Prisonniers, Soufiane Abou Zaydeh, a indiqué qu'« en l'absence d'une réponse israélienne satisfaisante sur les prisonniers, le sommet pourrait ne pas avoir lieu ». Un ministre israélien a admis lui aussi ce fait et conforté la position palestinienne. « Les deux parties ne sont en fait pas intéressées à ce sommet voulu par les Américains (...) Sharon n'a rien à donner à Abbas, et ce dernier n'a pas intérêt à repartir les mains vides après une telle rencontre », a-t-il souligné. Après le sommet de Charm Al Cheikh en Egypte en février dernier, Israël a libéré 500 détenus palestiniens, puis 400 autres début juin, et transféré en mars à l'Autorité palestinienne le contrôle sécuritaire des villes de Ariha et Tulkarem en Cisjordanie. Les Palestiniens réclament à présent aussi le contrôle promis sur Ramallah, Beitlehm et Kalkiliya mais Israël s'y oppose. Israéliens et Palestiniens ont tenu deux rencontres préparatoires vendredi et dimanche en vue d'un sommet sans parvenir à un accord sur l'ordre du jour. M. Sharon a été le premier à jeter un pavé dans la mare en laissant entendre dès dimanche que le sommet pourrait être reporté. « La tenue de rencontres est importante, mais l'on ne s'y rend pas sans préparation suffisante. » M. Abbas a lui aussi exclu un sommet « pour la photo ». Samedi, une source gouvernementale israélienne avait pourtant indiqué que le sommet Sharon-Abbas se tiendrait « en principe » le 11 octobre. C'est la Jordanie qui avait annoncé mercredi dernier la tenue de ce sommet le 11 octobre après les bons offices du roi Abdallah II auprès des deux parties. Alors que se déroulaient ces tractations, trois adolescents palestiniens étaient tués par des soldats israéliens patrouillant près de la barrière de sécurité séparant Israël de la bande de Ghaza. Les victimes n'étaient pas armées selon des sources palestiniennes. L'armée israélienne a indiqué que ses troupes opérant près de la frontière avec Ghaza avaient ouvert le feu sur trois « silhouettes suspectes » rampant près du côté palestinien de la barrière de sécurité, et avoir atteint avec certitude deux d'entre elles. Ces décès portent à 4845 le nombre de personnes tuées, dont une grande majorité de Palestiniens, depuis le début de l'Intifadha en septembre 2000. Retrait ou pas, la répression continue. Cela ne manque pas d'influer sur la position des Palestiniens persuadés et ils ne sont pas les seuls à dire ouvertement que le retrait israélien de la bande de Ghaza répondait à de strictes considérations israéliennes, et qu'il reste une grande supercherie.