Revendications, griefs, critiques, demandes: ONG, partis, groupes ou mouvements sociaux et politiques profitent de la présidentielle de dimanche pour se faire entendre au Cameroun, dirigé depuis 1982 par Paul Biya. Le politologue Guy Parfait Songuè estime que le régime «a tendance à montrer qu'il (préfère) résoudre les problèmes à la veille des échéances électorales. C'est ce qui explique que certains aient compris que c'est le moment de mettre en exergue un certains nombre de dysfonctionnements», parce que «ça a plus d'écho». Le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary lui s'insurge. «Alors que toute la classe politique s'accorde pour aller à l'assaut de la présidence de la République, vous avez des forces centrifuges dans l'ombre qui veulent instrumentaliser les mouvements sociaux pour initier des (actions) de contestation», accuse-t-il. Les problèmes ne manquent pas au Cameroun, où une personne sur quatre est pauvre, vivant avec moins de 1,1 euro par jour alors qu'un tiers des 20 millions d'habitants n'a pas accès à l'eau potable et à l'électricité. Il existe en plus de nombreux dossiers «chauds», le plus sensible étant sans doute celui de l'armée et la gendarmerie. Plus de 600 jeunes recrues ont été radiées de ces deux corps entre 2009 et 2011. «Nous demandons notre réintégration avant le 9 octobre. Si tel n'est pas le cas ça va faire «boom»», menace Guy Victor Manga qui se présente comme le porte-parole des bannis. A l'exception des marches de soutien à M. Biya, dont la réélection semble assurée, toute tentative de mobilisation de l'opposition ou de la société civile est systématiquement contrée par la police. Les «manifestations à caractère vindicatif sont interdites», affirment les autorités. En 2008, des jeunes s'étaient mobilisés en masse pour protester contre le projet de suppression de la limitation du nombre de mandats présidentiels qui devait permettre à M. Biya de se représenter. Les émeutes et la répression s'étaient soldées par 40 morts, selon un bilan officiel, au moins 139 selon des ONG. Un autre dossier délicat porte sur une escroquerie d'environ 6 millions d'euros perpétrée par une organisation privée, le Programme international d'encadrement et d'appui aux acteurs de développement (PID), qui s'était présentée comme une structure de lutte contre la pauvreté. Le PID a fait environ 12.000 victimes, en majorité des acteurs du secteur informel, promettant des prêts contre des versements de 10% de la somme sollicitée. Les victimes demandent le remboursement des sommes à l'Etat, le PID ayant réussi à faire croire qu'il était un organisme franco-camerounais. Elles ont été invitées à prendre leur mal en patience au moins jusqu'à la présidentielle du 9 octobre. Cinq de leurs représentants ont été inculpés d'incitation à la révolte, les autorités espérant sans doute décourager les victimes de manifester. Par ailleurs, un collectif de paysans a soumis aux candidats un Pacte pour le développement rural dans lequel ils sollicitent un financement de 22,8 millions d'euros par an. Des syndicats de travailleurs demandent de leur côté la hausse du salaire minimum, le plus bas d'Afrique centrale à 43 euros. «Les gens se mobilisent parce qu'ils aimeraient tant être dans un contexte où l'élection présidentielle est un moment où on recense et examine les préoccupations sociales afin de les prendre en compte au cas où on est élu», souligne Alain Fogué, politologue camerounais. «Mais il y a un gouffre entre les actions des dirigeants et les préoccupations des populations. Ce que les Camerounais veulent ce n'est jamais ce qu'on leur offre», dit-il.