A la tête du MSP depuis le décès de cheikh Nahnah, Bouguerra Soltani a su garder «l'étoffe» de ce parti, «responsable», «professionnel» et d'envergure. Invité de notre journal, dans le cadre de notre rubrique «A coeur ouvert avec L'Expression», le président de ce parti est revenu en détail sur les grands sujets du moment. Nous apprenons ainsi, en exclusivité, que l'Alliance présidentielle a tenu un autre sommet, en date du 16 juillet, sans que personne n'en ait entendu parler. Refusant toutefois d'entendre parler d'échec, ni d'alliance conjoncturelle, Bouguerra n'en admet pas moins que des divergences profondes sont apparues, ce qui peut expliquer que ce sommet n'a pas été sanctionné par un communiqué, maintenu carrément au secret. De même, Bouguerra Soltani, qui continue d'apporter son soutien inconditionnel au programme du président, dont l'étoffe, selon lui, lui permettrait de devenir le futur secrétaire général de l'ONU, se montre prêt à retirer sa demande de levée de l'état d'urgence pour peu que l'amnistie globale implique le retour définitif de la paix et, partant, l'instauration de toutes les libertés collectives et individuelles, ce qui rendrait caduc le maintien de l'état d'urgence. Ce fin politicien, par ailleurs observateur averti de la scène politique, aborde également le sujet évoqué par Bouteflika concernant la recomposition de la scène politique. Pour lui, il faudrait quitter l'amateurisme pour passer à la professionnalisation afin que la décantation finale puisse permettre la mise en place de cinq grands courants. Pour ce qui est de la révision de la Constitution, que le MSP soutient et appelle de ses voeux, le tiers-monde que nous sommes implique que nous passions à un régime présidentiel. Rien de plus. «L'état d'urgence instauré en 1992 n' a plus lieu d'être, sauf si le gouvernement arrive à nous convaincre que la situation sécuritaire l'exige. Or le gouvernement a affirmé à plusieurs reprises que la situation sécuritaire s'est beaucoup améliorée» déclare Bouguerra Soltani. Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Nouredine Yazid Zerhouni, a soutenu en contrepartie que «le maintien de l'état d'urgence ne gêne en rien le citoyen». Ainsi, le leader du MSP veut recadrer la question de la levée de l'Etat d'urgence, réclamée par sa formation, à la situation sécuritaire. Une prétention déclamée, imputée, faut-il le souligner au diagnostic d'inconsistance qu'il fait à propos du discours sécuritaire du gouvernement. Néanmoins, le calme devant prévaloir au pays et par voie de conséquence au bien-être du citoyen, reste, certes, tributaire, selon Bouguerra Soltani, de la situation sécuritaire. Mais, l'on rappelle qu'au lendemain de la signature du contrat de l'alliance, Bouguerra Soltani avait déclaré dans une conférence de presse, que «la levée de l'état d'urgence ne constitue plus une priorité pour le parti, lequel accorde tout son intérêt à la réconciliation nationale». Dans la même lignée et fidèle à ses aspirations, le numéro 1 du MSP évoque, aujourd'hui, le projet d'amnistie générale qui, d'après lui, constitue le chantier de l'heure pour sa formation, pour la classe politique et pour tout le pays, dont l'avenir en dépend. «L'amnistie générale, qui est la promotion de la réconciliation nationale, elle-même étant le prolongement de la concorde civile et à laquelle le mouvement adhère pleinement, si elle venait à être mise en oeuvre, pourrait ramener la paix au pays, le stabiliser définitivement, et lui assurer par conséquent, un développement durable», a-t-il soutenu. Sûr de lui, Bouguerra Soltani s'est même permis le luxe d'affirmer «si le référendum sur l'amnistie générale est organisé au second semestre de 2005, il recueillera plus de 80% de oui». Le concept de réconciliation est un vieux projet que le chef de l'Etat a toujours défendu. A ce sujet Bouguerra Soltani dira «lors d'un forum des cadres organisé en 1996 à Abu Dhabi, M.Bouteflika avait, en tant q'invité, affirmé qu'il ferait tout son possible pour réconcilier la Ligue arabe». En initiant son projet d'amnistie, le chef de l'Etat, plébiscité par le peuple par voie référendaire, veut amorcer un processus de réconciliation qui se veut plus globale. Apostrophé sur le pourquoi d'un tel soutien inconditionnel sans pour autant connaître dans le détail le contenu du projet en question ni les mécanismes, Bouguerra Soltani avoue: «Seul le président de la République connaît le contenu de son initiative mais cela ne nous empêche pas d'oeuvrer en ce sens (soutien de l'amnistie générale, Ndlr) et de faire des propositions à même de contribuer à l'aboutissement d'une telle initiative qui nécessite, sans nul doute, l'adhésion de tous les Algériens.» Même si le concept reste à définir, le leader du MSP précise: «Il ne doit être question que d'une amnistie politique et rien que politique, prônée et promulguée dans le cadre de la première loi [la Constitution].» Quels seraient alors les fondements de ce projet? «Nul ne le sait, par conséquent, c'est à lui qu'il appartient aujourd'hui d'en définir les contours. Nous le savons assez pragmatique et maître de ses projets politiques pour proposer au peuple, dans le cadre d'un référendum, la solution idoine qui tournerait définitivement une page sombre de l'histoire de l'Algérie» ajoute-t-il. Interpellé dans le cas où des points d'achoppement surgissaient quant au contenu du projet et les aspirations du MSP, Bouguerra Soltani dira: «C'est au madjlis echoura de décider, mais il est sûr et certain que le MSP ne fera aucune pression sur le gouvernement néanmoins si des divergences de fond se font jour, le MSP sera dans l'obligation de se retirer de l'Alliance stratégique.» Pourtant, le projet et le concept étant, a priori, clairs, c'est, en fait, le champ d'application et la liste des bénéficiaires qui sont, incontestablement, sujets à controverse même si l'ambiance générale tend vers une sorte d'unanimisme. A ce propos, Bouguerra Soltani avertit: «Ne doit pas bénéficier de l'amnistie les harkis, ni ceux ayant commis des exactions ni les sionistes», avant de préciser: «Nous n'avons rien contre les Juifs.»