Constantine est décrite aujourd'hui comme un espace touristique délaissé et sous-exploité Cirta est en train de perdre son âme, son cachet typique qui l'a toujours distinguée des autres cités. Ville d'histoire que certains potentats locaux, exploitant sournoisement et machiavéliquement la crise sécuritaire dont les séquelles sont encore visibles, ont tout fait pour transformer en une ville d'histoires, Constantine est décrite aujourd'hui comme un espace touristique délaissé et sous-exploité. Beaucoup d'efforts ont été certes consentis dans le cadre de la réhabilitation du vieux bâti et de l'ancienne ville, mais le résultat demeure en deçà des attentes d'une population vivant à «l'étroit» et d'une élite intellectuelle qui ne partage pas entièrement le plan de modernisation mis en oeuvre par l'ancien wali et poursuivi par l'actuel chef de l'exécutif. Si le projet de réalisation du fameux pont géant, un viaduc long de 1100 mètres reliant la place de l'ONU, située à la proche périphérie Est de la ville, au plateau du Mansourah, a fini par forcer l'unanimité parmi les citoyens malgré quelques «ravages» causés sur le plan environnemental, le reste des projets tels que la réalisation d'un centre d'affaires au niveau du quartier du Bardo et d'une résidence d'Etat sur les hauteurs du quartier Emir Abdelkader, ex-faubourg Lamy, suscitent toujours les commentaires les plus corrosifs. Privée des services du mythique pont de Sidi Rached soumis à une profonde opération de restructuration depuis plus d'un mois, Constantine étouffe sous les effets d'une circulation automobile infernale. L'opération de réhabilitation du vieux pont plus que centenaire s'avère délicate et pourrait s'étaler sur plusieurs mois, selon des spécialistes en ponts et chaussées. Confiée au constructeur brésilien Andrade Gutierrez, le pont géant appelé aussi le Trans-Rhummel a exigé une enveloppe financière de 15 milliards de dinars. De l'avis de nombreux connaisseurs, il s'agit d'un véritable défi auquel devraient faire face les autorités locales et à leur tête, Nouredine Bedoui le wali qui semble prendre conscience de la nécessité d'associer le mouvement citoyen à ce gigantesque effort de développement visant à rendre à la capitale de l'Est son lustre d'antan. Ayant bénéficié dans le cadre du plan quinquennal d'une enveloppe financière atteignant les 110 milliards de dinars, la wilaya de Constantine a consacré une bonne partie de cet argent à l'éradication des bidonvilles et des constructions précaires qui encerclaient le chef-lieu de wilaya, formant une hideuse ceinture de favélas, véritables foyers de toute sorte de maux sociaux. En ce qui concerne le quinquennat en cours, la wilaya a bénéficié d'un quota de 26.000 logements tous types confondus en attendant l'aboutissement d'une demande d'autorisation d'un programme supplémentaire de 38.000 logts émise par la wilaya cette année. Environ 90% de ces logements sont réalisés sur le site de la nouvelle ville Ali-Mendjeli dont l'extension exceptionnelle menace sérieusement de mettre en péril un aménagement urbain qui comporte de nombreuses insuffisances. A Constantine, on continue de faire dans l'urgence en négligeant certains paramètres liés à l'agencement adéquat de la fonctionnalité urbaine. Ces reproches sont faits par des associations qui ne cessent de mettre en garde contre les retombées néfastes d'une telle démarche qu'elles estiment irréfléchie. Quoi qu'il en soit, la société civile, qui a enregistré avec une grande satisfaction l'amélioration remarquable de l'approvisionnement en eau potable grâce à cette formule de gestion déléguée prise en charge par les Eaux de Marseille, suit avec beaucoup d'appréhension les autres chantiers comme celui du tramway qui semble accuser un grand retard dû essentiellement à la configuration de la ville. Tout en mettant en exergue les projets d'une nouvelle ville universitaire d'une capacité de 44.000 places pédagogiques et d'un second CHU implantés à la nouvelle ville Ali-Mendjeli, les citoyens ne manquent pas de tirer l'alarme sur la situation urbanistique qui prévaut dans plusieurs quartiers de la ville. Des routes à la limite du praticable, des trottoirs défoncés, des immeubles délabrés un éclairage public défaillant et ce n'est pas tout. La rareté des aires de stationnement destinées au transport public et l'absence d'un plan de circulation adapté à la topographie de la ville aggravent davantage l'anarchie qui règne aujourd'hui dans la ville de Ben Badis. Les Constantinois sont probablement les plus stressés de tous les Algériens! Ils vivent dans une ville dortoir qui souffre énormément de l'absence de lieux récréatifs. Lorsque le wali annonce qu'il va réhabiliter les sites touristiques comme le monument aux morts, la forêt d'El Meridj ou le chemin des touristes qui longe le ravin du Rhummel, tout le monde garde une attitude dubitative, car ces lieux sont aujourd'hui infestés par des marginaux. Il s'agit d'abord d'un problème de sécurité publique qui n'a pas encore trouvé de solution. C'est bien beau que Constantine soit dotée d'une infrastructure hôtelière de grande classe puisqu'il est prévu outre l'hôtel Ibis, la réalisation d'un établissement de haut standing relevant de la chaine hôtelière internationale Marriott. Cela ne doit en aucun cas faire oublier que l'antique Cirta est en train de perdre définitivement son âme, son cachet typique qui l'a toujours distinguée des autres cités. Les autorités locales seraient mieux inspirées en invitant certaines figures de proue constantinoises afin de les associer au débat, au lieu de se contenter de la participation de ces associations satellites gravitant autour de certaines formations politiques complètement déconnectées des réalités sociales et des véritables préoccupations citoyennes. La modernisation de Constantine ne doit pas demeurer otage des calculs politiciens menés par ceux-là mêmes qui ont contribué gravement au déclassement d'une cité deux fois millénaire. Les clivages claniques et partisans ont causé beaucoup de tort à une ville qui refuse une modernité tronquée, imposée par des milieux affairistes avides et gloutons. Le wali est-il en mesure d'éviter cet écueil dangereux? Oui, au cas où il réussirait à évacuer tous ces opportunistes qui n'ont pas encore compris que la citadinité est née à Constantine.