Les nombreux services que compte le CHU Benbadis sont envahis par la saleté. Le CHU Benbadis de Constantine révèle à lui seul tous les problèmes auxquels fait face le secteur de la santé au niveau de cette grande wilaya du pays. Ce qui n'était qu'un couvent au milieu du XIXe siècle puis une caserne est devenu un hôpital qui, est aujourd'hui un des centres hospitaliers les plus importants du pays. Ayant fait l'objet de plusieurs extensions durant trois décennies, cette énorme infrastructure n'a pas résisté devant la grande pression démographique subie par la capitale de l'Est. Malgré le dévouement de certains éminents professeurs dont le défunt Benkadri, spécialiste en ORL et ancien directeur, le CHU a été gagné par l'anarchie sur tous les plans. Ses activités diagnostiques, de soins généraux et spécialisés mais aussi de formation médicale et paramédicale destinées à répondre aux besoins de sept ou huit wilayas de la région Est ont gravement pâti de cette extraordinaire densité de la population que le personnel médical et paramédical n'arrive plus à maîtriser. Certes, feu Benkadri, infatigable animateur du mouvement associatif, avait essayé de remettre de l'ordre dans un établissement dont l'état de dégradation a atteint des niveaux alarmants, mais tous ses efforts ont, semble-t-il, été vains. Des urgences aux services des soins dits de haut niveau, la situation a dépassé le seuil critique. Les professeurs sont débordés par le grand nombre de résidents en formation. Ils travaillent dans des conditions lamentables. A titre d'exemple et cela est très significatif, un spécialiste en diabétologie infantile travaille dans un minuscule bureau de trois mètres sur trois. Pire, il ne bénéficie d'aucune documentation récente. Pas même Internet! C'est la dégradation totale. Réputé pour être le premier centre qui forme les médecins, le CHUC ne semble plus remplir les critères d'un établissement hospitalier digne de ce nom. Ajoutez à cela, le nombre effarant d'appareils défectueux, le cas des appareils de la radiothérapie en est un. Ce service des cancéreux est tout simplement lamentable avec ses salles surchargées sans compter la rapine et les «vols organisés» de consommables destinés à la chimiothérapie, qui se vendent en toute impunité en dehors de l'hôpital. Bien sûr, c'est toujours le patient qui paie, parfois au prix de sa santé et de sa vie, une situation lamentable à la limite du tragique pendant que les différentes parties s'échangent les accusations. Ce sont 80% des cancéreux algériens qui meurent avant leur rendez-vous de radiothérapie. Le détournement des patients vers le secteur privé est monnaie courante. De nombreux médecins y exercent comme collaborateurs. Ces derniers tentent de se défendre en renvoyant la balle vers les responsables. Pendant ce temps, ce sont plus de 1500 malades qui subissent les effets néfastes d'une gestion médiocre. Ayant été durant des décennies une pépinière médicale de haut niveau qui a donné naissance à d'éminents professeurs comme feu Bensmaïl, spécialiste en psychiatrie, Guidoum, spécialiste en orthopédie, Klioua, spécialiste en cardiologie, ou feu Benkadri, le secteur de la santé à Constantine est aujourd'hui à la traîne. Triste constat! Le CHU de Constantine est un exemple qui illustre parfaitement le déplorable contexte sanitaire dans cette wilaya. La saleté assiège cette infrastructure hospitalière: des photos en témoignent. Un responsable exerçant au sein du CHU confie que pas moins de 296 camions ont été mobilisés pour débarrasser le centre hospitalier de plusieurs tonnes de déchets. La dégradation est constatée à tous les niveaux et dans tous les services: à la maternité, aux urgences, en pédiatrie, des cancéreux ou l'infectieux pour ne citer que ceux-là. C'est ainsi qu'à la maternité, des chariots se sont transformés en lits pour les patientes. D'une capacité de 16 lits, le service accueille jusqu'à 30 parturientes. Et les chariots, qui servent habituellement à transporter les femmes en phase d'accouchement, remplacent les lits. Parfois des patientes à peine opérées d'une césarienne, sont sommées de quitter les lits de la réanimation pour céder la place aux suivantes.