Dans le réquisitoire, il est demandé à la Sécurité militaire de mettre un terme aux agissements de Chakib Khelil. Le scandale Sonatrach, dont notre journal avait été le premier à faire cas, soulève de grandes vagues. Un ancien juge d'instruction militaire, dans une lettre ouverte adressée au chef de corps d'armées, Mohamed Lamari, lui demande d'intervenir personnellement aux fins de «mettre un terme aux agissements de ceux qui sont en train de mettre à sac Sonatrach». Le magistrat, dans cette lettre publiée hier par nos confrères du Matin, dresse un véritable réquisitoire avec une suite vertigineuse d'attendus. Adlen Zinaï, magistrat instructeur au tribunal militaire de Cons-tantine, met en exergue le caractère hautement stratégique de cette entreprise pour qualifier les actes rapportés par la presse de «crime économique (et de) danger sur la sécurité nationale». Dans sa lettre, en outre, il prend le soin de souligner qu'«aucun démenti sérieux et exhaustif n'est venu de la part des mis en cause». Citant au passage la loi 85-02 et l'ordonnance 93-10, le «réquisitoire» précise que «les officiers de la police judiciaire des services de la Sécurité militaire sont les mieux adaptés parmi les autres corps constitués pour réprimer une telle entreprise criminelle aux ramifications tentaculaires, complexes et compliqué». Et d'évoquer les «prérogatives que leur (les officiers de la Sécurité militaire, Ndlr) confère l'article 6 du code de procédure pénale en matière de compétence territoriale». Ainsi, est-il demandé, de la manière la plus solennelle qui soit, au chef d'état-major, Mohamed Lamari, «d'ordonner aux services compétents de procéder à une enquête préliminaire officielle en toute légalité et conformément à l'esprit et la lettre de la loi pour cerner les tenants et les aboutissants de cette entreprise criminelle et, le cas échéant, déférer ses auteurs devant la justice pour être jugés selon la loi». Cette sortie, est-il besoin de le souligner, vise directement Chakib Khelil, le ministre de l'Energie et des Mines, qui a occupé le poste de P-DG de Sonatrach pendant plus d'une année, avant de nommer un homme très malade (décédé deux mois plus tard) en vue de faire taire les récriminations de plus en plus insistantes de l'Ugta et des travailleurs de ce gigantesque groupe. Il semble que de plus en plus de cercles oeuvrent à faire entrer directement la hiérarchie militaire dans la mêlée. Cet appel à ouvrir une enquête sur les agissements de ce haut responsable intervient deux jours après la circulaire signée de la main de Mohamed Lamari, adressée précisément aux officiers du DRS, leur demandant d'enquêter sur «l'identité des commanditaires et des associations des assaillants du FLN, mais aussi sur les mouvements de leurs capitaux ces derniers mois». L'armée, interpellée pour mettre un terme aux agissements de certains cercles portant atteinte à la démocratie et à l'économie nationale, aura peut-être à jouer un beau rôle dans le strict respect de ses prérogatives constitutionnelles...