Le grand plan pour sauver la zone euro que les dirigeants européens ambitionnent de ficeler aujourd'hui comporte tant d'inconnues que plusieurs experts redoutent des lendemains qui déchantent. «En cas d'échec, l'effet boomerang sera immédiat et les investisseurs risquent de déserter à nouveau les marchés européens», préviennent les analystes de CMC Markets, rappelant le précédent plan du 21 juillet, qui s'était «soldé» par une dégringolade boursière généralisée. Les contours de la réponse européenne sont connus: il faut recapitaliser les banques européennes pour un montant fixé autour de 108 milliards d'euros, pour absorber les pertes qui leur seront parallèlement infligées afin d'alléger la dette grecque. Et par la même occasion il faut démultiplier les moyens du Fonds de secours de la zone euro afin que le défaut de paiement partiel annoncé d'Athènes n'aggrave pas la propagation de la crise à l'Italie. Or, les analystes émettent des doutes. Concernant la recapitalisation des banques, le montant envisagé est «bien en-deçà des besoins estimés par le Fonds monétaire international (FMI) et les analystes du secteur privé, en tout cas dans le scénario d'une rechute de l'économie», expliquent les économistes de Crédit Suisse. Le FMI avait évoqué 200 milliards d'euros, Crédit Suisse parle de 225 milliards et Goldman Sachs de 298 milliards. S'agissant de la dette grecque, la zone euro demande aux banques d'accepter une décote, c'est-à-dire des pertes, d'au moins 50%. Mais sur les 350 milliards d'euros de dette grecque, un tiers est entre les mains de créanciers publics (Europe et FMI) non concernés par cette décote. En outre, selon UBS, comme les banques grecques détiennent quelque 20% de la dette du pays, Athènes devra immédiatement les renflouer, en s'endettant à nouveau. Résultat: «une décote de 50% équivaut à une réduction de seulement 22% de la dette grecque», calcule UBS. Dernier point, peut-être le plus délicat: le renforcement du Fonds européen de stabilité financières (Fesf), le «pare-feu» contre une contagion de la crise. Grâce à un «effet de levier» complexe, les Etats espèrent démultiplier les 440 milliards d'euro que ce mécanisme est théoriquement capable de prêter. Seulement voilà, alors que des estimations allant de 1000 à 2500 milliards ont circulé, les Européens ne seront probablement pas en mesure aujourd'hui de fournir un montant clair pour rassurer les marchés. Le résultat risque d'être d'autant plus décevant que le point de départ ne doit pas être de 440 milliards, mais plutôt autour de 250 milliards, une partie des prêts ayant déjà été engagée. Et les options retenues suscitent aussi des doutes. La première consiste à permettre au Fesf de garantir une partie des obligations émises par les Etats fragiles afin d'attirer des acquéreurs. «La réalité c'est qu'il y a des incertitudes techniques majeures» car ces solutions n'ont jamais été expérimentés à ce niveau, résume un diplomate européen. In fine, selon Crédit Suisse, «tout cela laisse penser que la Banque centrale européenne (BCE) devra encore jouer un rôle central en soutenant les pays les plus faibles».