«L'Algérie est une puissance militaire et économique dominante dans la région et représente un partenaire-clé des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme» Les ballets diplomatiques qui se suivent à Alger renseignent sur l'implication directe de l'Algérie dans la gestion des crises régionales. Depuis ces derniers mois, l'Algérie est devenue le théâtre d'intenses ballets diplomatiques. Qu'est-ce qui explique cet intérêt régional et surtout occidental pour un pays longtemps boudé et que d'aucuns considéraient comme isolé? Le fait que ces ballets diplomatiques coïncident avec l'éclosion du Printemps arabe, renseigne sur le rôle de l'Algérie dans la stabilité et la sécurité régionales. Ce n'est pas une vue de l'esprit c'est une réalité du terrain établie par des institutions très crédibles. Un rapport présenté par le service de recherche du Congrès américain (Congressional Reaserch Service), dès le début des révoltes arabes, a tracé les sillons de toute la démarche sécuritaire actuelle. Un véritable document d'anticipation. «L'Algérie est une puissance militaire et économique dominante dans la région et représente un partenaire-clé des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme», a noté ce rapport. Le Congressional Reaserch Service est une agence fédérale américaine dépendant du Congrès, souvent désignée comme le «think thank du Congrès». Cette structure est chargée de la recherche sur les politiques publiques. Ses rapports pointus et objectifs sont très appréciés par les milieux politiques de haut niveau aux Etats-Unis. C'est dire que le défilé des officiels occidentaux à Alger n'est pas fortuit, il obéit bien à une feuille de route sécuritaire et dont l'Algérie est le pivot. Alger a reçu des responsables du département d'Etat US de différents niveaux, des responsables militaires dont le patron de l'Africom et de l'Otan et autres secrétaire généraux des Etats des pays européens. C'est le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a ouvert ce ballet diplomatique, le 20 mars dernier. Cette visite a eu lieu, pour rappel, juste après le début de l'intervention militaire lancée contre la Libye par l'Otan avec le soutien de certains Etats arabes. A son tour, le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, s'est rendu à Alger, le 11 juin dernier. Au cours de sa visite, il a déclaré qu'il s' est entretenu avec les hautes autorités algériennes sur les dossiers de coopération en général, mais en particulier sur la crise libyenne. Quelques jours après, c'était le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, qui atterrissait à Alger. Cette visite est la première d'un ministre français des Affaires étrangères et européennes depuis mai 2008. Les discussions avec les hautes autorités algériennes ont porté essentiellement sur les grandes questions régionales de l'heure, en l'occurrence les dossiers régionaux aussi stratégiques que ceux ayant un rapport direct avec le Maghreb et surtout la sécurité au Sahel. Puis, c'est le président du Conseil des ministres et ministre des Affaires étrangères de l'Etat du Qatar, cheikh Hamed Ben Jassem Ben Jaber Al Thani, d'effectuer une visite à Alger, fin septembre dernier. Le Qatar, un pays qui a participé avec les forces de l'Otan aux bombardements sur la Libye. Pour les observateurs, ces visites sont loin d'être de simples déplacements pour «renforcer la coopération bilatérale». La récente déclaration de la secrétaire d'Etat américaine aux Affaires étrangères, Hillary Clinton, est une preuve supplémentaire du rôle stratégique de l'Algérie. «L'Algérie est devenue un acteur primordial dans la promotion de la stabilité et la sécurité régionales.» Cette déclaration a été appuyée avant-hier par le secrétaire d'Etat adjoint américain pour les Affaires du Proche-Orient et l'Afrique du Nord, Jeffrey D. Feltman, précisant que sa visite en Algérie avait pour but de s'entretenir avec les autorités algériennes de la manière dont elles analysent et envisagent les développements actuels en Libye: «Il est important pour nous de comprendre la position de l'Algérie concernant ce qui se passe dans la région et comment l'Algérie envisage la meilleure façon de soutenir les autorités de ce pays (Libye) en période de transition.» Les Américains tranchent Hier encore, l'Algérie a accueilli le conseiller du Premier ministre britannique pour la lutte antiterroriste en Afrique du Nord et au Sahel, le général-major Robin Searby. Avant lui, c'était le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague-qui s'était rendu à Alger. S'en est suivi la visite du président du Mali, Amadou Toumané Touré, et plus tard, celle de son homologue du Niger Mahamadou Issoufou annoncée pour les jours prochains. Deux pays membres de la Coordination des Etats-Majors des armées du Sahel, point de chute sécuritaire de tous les pays de la région, dont l'Algérie chapeaute la direction. A cela s'ajoute la Conférence internationale, «pour la lutte contre le terrorisme au niveau de la Bande sahélienne et les retombées de la crise libyenne sur la sécurité régionale», tenue les 7 et 8 début septembre dernier, ayant regroupé les partenaires régionaux et extra-régionaux de l'Algérie. Les contraintes stratégiques De tels événements confirment le rôle direct et indirect, voire l'implication de l'Algérie dans la gestion des crises régionales, à savoir la crise libyenne et la guerre contre Al Qaîda au Sahel. «C'est à Alger que les acteurs régionaux et occidentaux ont accordé leurs violons sur les conduites et les positions à tenir à l'égard de la crise libyenne, mais aussi dans la lutte contre le terrorisme au Sahel», a fait savoir un haut responsable algérien chargé des questions sécuritaires, s'exprimant sous l'anonymat. «Défilés et parades diplomatiques intervenant dans un contexte régional des plus cruciaux en sont des signes», a ajouté la même source précisant que l'environnement politico-sécuritaire de la région est des plus pollués notamment. La fragilité politique en Tunisie après la chute de l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali, la recrudescence du terrorisme, l'ampleur du banditisme transnational, les enjeux et les intérêts géostratégiques opposant des puissances occidentales dans la bande sahélienne où l'Algérie est un acteur incontournable, sont autant de critères déterminants sa conduite à l'égard du conflit militaire opposant le régime de l'ex-dictateur El Gueddafi au CNT. «La gestion des crises sécuritaires, qu'elles soient internes ou externes, est soumise à des pratiques lisibles et illisibles, officielles et officieuses. Les intérêts stratégiques internes et externes sont des éléments très déterminants dans le choix des modes de gestion de ces crises», a encore fait remarquer notre source. C'est dans ce contexte que l'Algérie a été contrainte d'aborder le conflit libyen, inscrit dans une dynamique d'ordre onusien, géré militairement et politiquement par les forces de l'Otan, «de manière intelligente et stratégique». Car, elle constitue l'un des pays pivots sur lequel repose la gestion des dommages collatéraux et dangers sécuritaires qui pèsent tant sur le pays que sur la région. La connexion des groupes djihadistes avec les rebelles, la circulation des armes à la suite des pillages massifs opérés dans des dépôts d'armement et les trafics qui s'en sont suivis, les questions de milliers de réfugiés libyens, sont en partie gérés par l'Algérie, partageant plus de 900 km de frontières avec la Libye.