Il y a réellement à craindre quant à l'issue qui se dessine chaque jour un peu plus. De source militaire très sûre, «les ravisseurs avaient reçu l'ordre de tuer un à un leurs otages si le dispositif des troupes spéciales n'était pas levé». Dans un appel intercepté juste après l'assaut d'Amgrid, qui a permis en même temps de libérer 17 otages et de tuer les ravisseurs du groupe armé, il était question de «tuer immédiatement les otages, au moindre accroc avec les services de sécurité». L'ordre de tuer a été donné par Amari Saïfi, dit «Abdarazak El-Para», qu'on présente comme l'instigateur et la tête pensante du rapt des 32 touristes enlevés dans le Sahara algérien entre le 20 et le 30 février 2003. Notre source précise que l‘interlocuteur de Amari Saïfi, certainement un homme plus porté sur l'aspect religieux de la guérilla et son caractère «légitimiste», a refusé de se plier à cet ordre arguant qu'il n'y avait «aucun motif théologique acceptable pour mettre fin à la vie des otages», en plus du fait que cette action peut se relever «d'une inanité totale». Cette discussion téléphonique a eu lieu juste après l'assaut donné à Amgrid et qui a permis de libérer le premier groupe de 17 otages. Par la suite, «Abderazak El-Para» devait rallier le groupe de preneurs d'otages et c'est vraisemblablement lui qui a négocié dur comme fer et tenu en haleine ses anciens équipiers. Amari Saïfi a fait partie des troupes spéciales de l'armée jusqu'à fin 1991. Son repli vers le Mali a pris vraisemblablement le chemin du Niger, car il est très peu imaginable que les preneurs d'otages aient pu faire plus de 1200 km de Tamerlik à Kidal, en passant par Iherir, Tamanrasset et Aïn Guezzam à découvert dans un désert qui n'offre que très peu de caches et qui, de surcroît, les met en ligne de mire des tireurs d'élite de l'armée algérienne. Ces informations se révèlent très plausibles si l'on constate ce qui est en train de se passer aujourd'hui. Après plusieurs jours de négociations, les ravisseurs n'ont toujours pas consenti à libérer les otages, pas même les plus malades d'entre eux. Les dernières informations font état d'au moins six otages qui seraient gravement malades. Une Suissesse, âgée de dix-neuf ans, souffrirait de diabète ou de malaria. Une autre information ajoute, citant des sources proches du négociateur malien, qu'au moins «quatre otages seraient alités et ne peuvent plus se déplacer que portés sur les civières». En fait, il y a une chose que les autorités maliennes et allemandes devraient comprendre, c'est que même moyennant une rançon conséquente, les ravisseurs, qui se réclament du Gspc, ne sont pas à ce point disposés à relâcher les otages. «Coincés» dans le désert malien, ils sont «obligés» de garder quelques-uns de leurs otages «jusqu'à la fin». Certainement, ils vont procéder à la libération des , considérées comme les plus éprouvées par les cinq mois de détention, et, peut-être même des hommes dont l'état de santé présente des déficiences graves. Mais il serait vain et futile à la fois de penser que les quatorze otages encore détenus seront tous, sans exception, relâchés dès obtention de la rançon exigée. Le groupe des ravisseurs, qui a démontré, jusque-là, une capacité de résistance exceptionnelle et une aptitude à la négociation éprouvée, aura encore besoin d'atouts. En fait, des otages pour négocier un nouveau repli. Car la libération de tous les otages, aujourd'hui, signifie son arrêt de mort immédiat et il n'est pas dans l'esprit des preneurs d'otages de «clore à leurs dépens un match dont il maîtrise encore le jeu». Autre point à considérer: la présence «pas loin de l'aire de jeu» de Mokhtar Belmokhtar, le plus fidèle lieutenant de Amari Saïfi et qui connaît la région frontalière algéro-nigéro-malienne comme sa poche, en plus des affinités très solides qu'il a pu tisser avec les contrebandiers et les cigarettiers du Mali. Cet homme, jusque-là en marge des événements, peut être une aide aussi précieuse que discrète pour les ravisseurs.