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Les éditeurs dénoncent le procédé
Publié dans L'Expression le 17 - 08 - 2003

Face aux mesures arbitraires du duo Bouteflika-Ouyahia, ils crient à la manoeuvre politique.oe
«Acte répressif», «mesure à caractère politicien», «procédés maffieux», «banditisme primaire». Nombre de dirigeants de la presse écrite affirment ne pas trouver de termes assez forts pour dénoncer et condamner, tout à la fois, les menaces de suspension agitées à l'encontre de six quotidiens de la presse nationale, par le chef du gouvernement.
Le directeur général du journal El Khabar, M.Ali Djerri, considère, d'emblée, que cette tentative, nouvelle, à vouloir museler la presse, a une relation directe avec les informations que certains titres avaient publiées, récemment, sur les nombreux scandales impliquant des membres du gouvernement. «Il s'agit d'une manoeuvre politique, à l'image de celle que nous avons vécue en 1998. Chaque fois qu'une crise survient et le met en danger, le système utilise l'argument commercial pour tenter de mettre la presse au pas», ajoute M.Djerri. «El Khabar», dira-t-il, n'a aucune dette auprès des imprimeries sauf, s'il s'agit de payer une facture avant l'échéancier. Dans ce cas, c'est une violation des clauses du contrat et une mesure de banditisme primaire. Ce n'est pas normal, c'est de l'arbitraire. En dépit de ces menaces, nous continuerons à écrire, quelles que soient les conséquences».
M.Badreddine Manaâ, du Soir d'Algérie, considère, lui aussi, qu'il s'agit là d'une décision «clairement politique à travers laquelle, le duo Bouteflika-Ouyahia, cherche à faire taire les journaux qu'il accuse d'avoir révélé des scandales mettant en cause le Président, sa fratrie et ses hommes de main». Le rédacteur en chef de ce quotidien estime que le pouvoir viole la loi, «en ne prenant pas en compte, les clauses du contrat nous liant aux imprimeries auprès desquelles nous n'avons, du reste, aucune dette». «Ce sont des pratiques de voyous», tiendra-t-il à ajouter.
Le directeur du Jeune indépendant, Chafik Abdi, rappelle que le malaise est général. «Toute la presse écrite, sans exception, subit des pressions directes, à un moment ou à un autre de son existence». «Ce que je sais, c'est que les titres établis dans la Maison de la presse, reçoivent une mise en demeure, au moins une fois tous les 15 jours. Visiblement, les autres titres ont été rattrapés. L'appréciation du facteur déclenchant est laissé à l'appréciation de chaque ligne éditoriale». M.Abdi appelle à une tripartite, rapide, entre le gouvernement, les éditeurs et les groupes de presse et de communication pour aplanir le différend. Sur la lancée, il en appelle à la communauté internationale, afin qu'elle prenne ses responsabilités «pour maintenir une presse d'exception dans cette phase de transition démocratique».
Pour M.Fayçal Metaoui, rédacteur en chef du quotidien El Watan, il s'agit, aujourd'hui, de savoir si c'est le gouvernement ou les imprimeries qui gèrent les journaux. «Qu'on nous dise, enfin, s'il faut appliquer la liberté de marché avec ses règles ou bien qu'on en est, encore, à l'économie étatique ou le gouvernement s'emploie à se mêler de tout».
«Il est clair que cette menace, qui pèse sur les journaux, fait suite à la série d'articles mettant en cause de hauts responsables politiques dont le chef de l'Etat et son chef du gouvernement. Or, au lieu de répondre aux accusations en s'expliquant ou en recourant à la justice, ces derniers préfèrent recourir à la répression. Et ç'en est une puisqu'il existe, désormais, le risque, pour six journaux, de ne pouvoir paraître, lundi».
Saïd Chekri, du journal Liberté, dit ne pas avoir été étonné par les menaces brandies sur la presse. «Nous n'avons jamais cru les promesses de Bouteflika de protéger et de respecter la liberté de la presse, tout simplement parce qu'il a, outrageusement, fermé le champ médiatique et muselé la télévision, comme personne, auparavant. Tout porte à croire, qu'il est acculé à agir de la sorte, parce qu'il préfère payer la facture politique d'une telle décision plutôt que de devoir payer celle que vont lui valoir les scandales que cette presse révèle au jour le jour». Il tient à attirer l'attention des lecteurs de la presse, que les journaux ciblés, dont Liberté, sont, paradoxalement, ceux qui paient leurs factures à temps. «Nous défions quiconque de prouver le contraire en rendant publique la comptabilité dans ses moindres détails».
Pour M.Youcef Rezzoug, du Matin, l'argument commercial avancé pour menacer les journaux de suspension, est «fallacieux». «Ce qui est outrageant, c'est que le régime en place, accusé d'être impliqué dans des scandales n'utilise pas le droit de réponse, préférant actionner les leviers de l'Etat, pour faire pression sur les journaux à l'origine de ces informations».
«La liberté, ajoute-t-il, n'est tolérée par eux, que si elle ne touche pas leurs intérêts. Nous continuerons, pour ce qui nous concerne, à exercer notre métier, convenablement, et à informer le lecteur étant entendu qu'il n'existe pas pour nous de dossiers ou de sujets tabous». Le rédacteur en chef de La Tribune, M.Abdelkrim Ghozali, tient, de son côté, à souligner que son journal a été de tous les combats pour la liberté de la presse et d'expression, «en se positionnant, chaque fois, contre toute atteinte au droit fondamental de cette liberté». «On a, dit-il, vécu des expériences où la corporation s'est mobilisée sans condition.
Malheureusement, certains titres de la presse dite indépendante ne s'est jamais donné les moyens de gagner ces causes». M.Ghozali regrette qu'autant la corporation des éditeurs que celle des journalistes ne soient pas organisées, «pour être à même de réagir lorsque la liberté de la presse est menacée ou qu'un journaliste est inquiété dans l'exercice de sa profession. Tant que, nous tous, nous ne comprendrons pas, cette réalité là, il nous faudra continuer à subir le diktat du pouvoir».
Le rédacteur en chef du journal El Youm déplore, quant à lui, que de telles sommations interviennent à des périodes précises «qui leur donnent un cachet politique et, nullement, un aspect purement commercial».
Rappelant que le quotidien a eu à subir, cinq jours durant, de tels procédés, M.Fayçal Saouli déclare regretter toute action qui puisse affecter la liberté d'expression et l'épanouissement des journaux indépendants, en règle générale. A noter que nous n'avons pu joindre le directeur du quotidien El Moudjahid pour connaître son point de vue sur les nouvelles menaces formulées en direction de quotidiens de la presse indépendante.


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