Unanimement, si l'on excepte les appareils du RND, le peuple s'est insurgé pour dénoncer cet acte arbitraire et liberticide. Depuis la suspension, dimanche soir, de six journaux, parmi les plus importants dans le champ médiatique national, il ne se passe plus un seul jour sans que nous soyons inondés de messages de soutien, émanant de simples citoyens, mais aussi de la classe et de personnalités politiques, organisations, associations et syndicats. Toute l'Algérie, si l'on excepte le RND, uniquement à travers ses appareils au demeurant, est indignée, mobilisée et prête à agir en vue de faire échec à ce complot cousu de fil blanc. Les pouvoirs publics, poussés jusqu'à leurs derniers retranchements, n'ont pas cessé d'accumuler les erreurs en tentant de justifier des mesures tout simplement injustifiables. Le caractère politique de cette mesure liberticide n'échappe désormais plus à personne. La manière avec laquelle a été menée cette affaire, à la hussarde diront certains, renseigne assez sur la volonté clairement affichée par les pouvoirs publics, mis à mal par les révélations de la presse et les dénonciations du complot monté contre la direction légitime du FLN, de museler la presse privée en s'en prenant aux titres les plus importants et les plus engagés dans ce combat pour que cela serve d'exemple aux journaux moins importants et, partant, nettement plus fragiles. Des journaux ont payé rubis sur l'ongle l'intégralité de leurs dettes sans que la suspension ait été levée, contrairement aux promesses faites par les imprimeries dans un communiqué rendu public lundi dernier. Notre journal, comme indiqué dans une conférence de presse animée mardi par son directeur, Ahmed Fattani, a lui aussi épongé toutes ses dettes avant qu'on ne lui sorte une vieille facture dont il refuse légitimement de s'acquitter avant que ses propres recettes publicitaires, estimées à la bagatelle de cinq milliards de centimes, ne lui aient été intégralement versées. Les pressions sur notre journal se cristallisent à présent sous la forme de visites d'inspection quotidiennes que nous rendent des inspecteurs du travail dans le but de tenter de nous prendre en faute. Nous avons appris de sources sûres que ces inspections, de même que les suspensions elles-mêmes, ont été commandées d' «en haut». Toute la classe politique, les syndicats, les organisations patronales, mais aussi les ârchs tout simplement résolus à passer à l'action dès ce samedi, montrent bien que c'est toute l'Algérie qui vient s'insurger contre cet acte d'une autre époque, que l'on pensait définitivement révolu. Ali Benflis ne s'est pas trompé, lui qui disait, en visite à notre journal, que «ceux qui ont ordonné cette suspension se trompent de peuple et d'époque». Ainsi, si aucune solution ne se profile dans de très brefs délais, le risque est grand d'assister à une rentrée sociale explosive puisque tout le peuple, de même que ses représentants, comptent aller vers une solidarité agissante en direction des titres de presse suspendus. Nul doute que le pouvoir ne tiendra pas longtemps face à toute l'Algérie, dressée comme un seul homme, pour défendre ses acquis démocratiques, chèrement payés. Les décideurs, à l'origine de cette cabale, ont-ils seulement idée de la valeur de ces sacrifices et de celle du droit à la libre expression?