Attentats, kidnappings, le nouvel Irak demeure plongé dans l'incertitude du lendemain. Fortement contesté par les deux piliers de la nation irakienne, les chiites (majoritaires dans le pays) et les sunnites, qui ont vertement critiqué sa politique dans des prêches, vendredi dernier, le gouvernement intérimaire de Iyad Allaoui est par ailleurs confronté à la violence, quasiquotidienne, et à la série de kidnappings qui le mettent sur la défensive avant même d'avoir pu faire ses preuves. De fait, la persistance de la violence que les autorités intérimaires irakiennes sont impuissantes à contenir, a fait réagir le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, lequel à déclaré à Bangkok, en marge des travaux de la 15e conférence internationale sur le sida, que la violence pourrait entraîner le report des élections. En effet, le secrétaire général des Nations unies qui a rencontré lundi le Premier ministre thaïlandais, Thaksin Shinawatra, a souhaité que la Thaïlande maintienne ses troupes en Irak au-delà de leur mission d'un an qui expire bientôt, selon un porte-parole, Jakrapob Penkair, qui a indiqué que «M.Annan a dit que l'Irak ne pourrait pas connaître un retour prochain à la normale en raison de problèmes de sécurité intérieure et a dit que cela pourrait affecter ou reporter les élections». M.Penkair ajoute : «Le secrétaire général (de l'ONU) a dit que les problèmes en Irak étaient compliqués et qu'il aimerait donc demander aux soldats thaïlandais de rester en Irak, mais la Thaïlande doit étudier cette question.» C'est, de fait, cette même violence qui a contraint l'ONU à retirer son personnel d'Irak l'an dernier. Aussi, après avoir fonctionné durant près d'une année avec un personnel réduit, constitué majoritairement d'Irakiens, l'ONU semble amorcer son retour dans ce pays après la désignation lundi, par Kofi Annan, comme représentant spécial de l'ONU en Irak, l'actuel ambassadeur du Pakistan aux Etats-Unis, Ashraf Jehangir Qazi, en remplacement du brésilien Sergio Vieira de Melo tué lors d'un attentat en août 2003 à Bagdad. Reste à savoir si cet ambassadeur onusien aura sa résidence à Bagdad, ou s'il séjournera (provisoirement) à l'instar des organismes humanitaires de l'ONU à Amman (Jordanie) dans l'attente d'une normalisation de la situation en Irak. Toutefois, avec la recrudescence des attentats et la multiplication des prises d'otages, la situation générale en Irak reste en fait bloquée et le gouvernement intérimaire irakien de Iyad Allaoui ne semble pas disposer, dans l'immédiat, de solutions de rechange, à défaut de l'usage de la force laquelle a largement montré ses limites. Aussi, sans surprise, l'autorité provisoire irakienne se tourne-t-elle vers une aide étrangère, et notamment vers l'Otan, à laquelle le ministre intérimaire irakien des Affaires étrangères, Hoshayr Zebari, - qui se trouve à Bruxelles -, a réitéré sa demande de s'impliquer davantage en Irak. En fait, pour les Irakiens l'actuel gouvernement n'a pas les capacités d'endiguer à lui seul la violence et de rétablir la sécurité, mais ils refusent néanmoins la présence de la coalition en Irak, comme vient de le montrer un récent sondage auprès de 1500 personnes réparties dans plusieurs villes irakiennes marquées par la violence et l'insécurité. L'autre problème récurrent est celui de la prise d'otages par lesquels le groupe d'Abou Moussab Al Zarqaoui tente d'influer sur la présence étrangère au sein de la coalition. Ainsi, l'otage philippin menacé de mort a donné lieu ces derniers jours à une valse hésitation de la part du gouvernement philippin qui a donné l'impression, lundi, de se plier aux exigences des preneurs d'otages, avec l'annonce d'un départ rapide d'Irak du contingent philippin, avant de démentir hier toute idée de départ lié au «chantage terroriste». Manille a-t-il cédé? C'est en fait la question qui taraudait hier les états-majors des pays ayant des troupes en Irak, et parallèlement des citoyens travaillant dans ce pays, comme la Pologne qui a vite fait de réagir estimant que les autorités de Manille «commettent un erreur» de céder aux ravisseurs, indiquant : «Lorsqu'on cède une fois aux ravisseurs, ils peuvent utiliser la même méthode (...)» déclarait hier à une radio locale le vice-ministre polonais de la Défense Jamisz Zemke. En réalité, en Irak, le départ de l'administrateur en chef américain, Paul Bremer et l'intronisation d'un gouvernement intérimaire irakien n'ont en rien clarifié la nouvelle donne irakienne, compliquant, en revanche, au maximum une situation ouverte à toutes les surenchères